Nous étions partis, en ce mois d'août 1990, - avec deux autres confrères - pour des vacances "studieuses" dans ce pays, si proche, mais où déjà se produisaient des bruits de botte bizarres. Notre tournée de trois semaines nous emmena de Ljubljana à Belgrade, en passant par Sarajevo, le sandjak (Novi Pazar), Pristina. A notre retour de voyage, nous étions convaincus qu'il y avait beaucoup de choses à raconter. Et fîmes à Paris le tour des rédactions. Mais... Saddam Hussein venait d'envahir le Koweit et, en réaction, les Etats-Unis aidant les monarchies arabes (ou le contraire) avaient déclenché avec leurs alliés occidentaux la (première) guerre du Golfe. Et, autant dire que nous étions "un peu déclarés". Un de nos interlocuteurs eut la clairvoyance - cynisme ou franchise (c'est selon) - de nous dire "très intéressant, ... mais bon... Revenez-nous voir. Quand il y aura des morts"...
Un an plus tard, il commençait à y avoir des morts. Je suivais le sujet "Europe de l'Est - Urss" pour la Truffe, quotidien éphémère français. Il faut bien dire que la Yougoslavie, où chacun prenait partie, pour les Croates assiégés, pour les Slovènes libérés, les Kosovars emprisonnés ou les Serbes minorisés paraissait incompréhensible pour nos yeux d'Occidentaux... beaucoup plus captivés par le "coup d'Etat" en Urss qui mit un terme à l'expérience gorbatchevienne (lire à ce propos ce que dit Gorbatchev de l'Etat Nation)... Et pourtant, déjà présentes, vinrent des questions : l’Europe était-elle responsable ? En quoi est-elle coupable ? Questions lancinantes auxquelles, je n'ai jusqu'ici pas trouvé de réponse. Car, comme beaucoup, à l'époque, j'ai laissé faire... sinon écrire quelques articles.
Aujourd'hui, les années ont passé. Le temps s'est écoulé. Maints ouvrages ont été écrits sur les Balkans. J'en ai lu quelques uns. Les uns cernent les responsabilités de l’Onu. Les autres témoignent des conditions difficiles pour survivre dans ces moments. Les derniers mettent en évidence la part serbe démoniaque dans ce naufrage collectif. Peu se sont intéressés au rôle de l’Europe, sauf pour dire qu’elle n’avait aucun poids. Cette assertion mérite d’être nuancée.
L'objet de ce récit est donc de mettre en relief le contexte de l'époque et de rassembler le maximum de témoignages des différents acteurs européens (responsables politiques, diplomates, militaires...) sur leur vision de l’époque. Comment a-t-on pu laissé s’échapper une telle situation ? Comment alors que l'Europe était effectivement "naine" sur la scène internationale est-elle intervenue ? ...
Quelques années après, le temps du témoignage et de la prise de responsabilité semble venu.
Quand l'Europe faillit à la paix...
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