Comment définiriez-vous le travail de l'Agence ?
L’Agence, c’est le lieu où les Etats parlent avec les autres et où les coopérations prennent forme. Nous avons comme mission de contribuer au développement des capacités militaires, des armements, de l’industrie. Pas dans la théorie, dans la pratique. Il s’agit d’améliorer les capacités des Etats membres pour mener à bien les opérations militaires de la PESD. Sans capacités, pas d’opération.
Les stratégies ne suffisent donc pas ?
Les stratégies ne fournissent pas de capacités. Elles fournissent des mots, des directions communes. C’est important mais pas suffisant. Il faut ensuite les traduire dans la réalité. C’est assez facile d’être d’accord sur des mots. C’est plus difficile d’être d’accord sur des actions concrètes, avec leurs implications financières.
Que dites-vous à ceux qui disent que l’Agence a un fonctionnement virtuel ?
C’est faux! Nous sommes une petite équipe, certes. 100 personnes en tout, y compris le personnel administratif. Et nous sommes jeunes ; nous n’avons été créé qu’en 2004. Mais nous travaillons. Et nous progressons rapidement. Simplement, notre approche est pragmatique. Nous avons des projets et les menons à terme, sans tapage. Si on veut que nous faisons davantage, c'est simple, il nous faut des personnels et des financements supplémentaires. On ne peut pas nous comparer avec une administration de 10 000 personnes. Pour moi, c'est ça la bureaucratie!
Vous n'estimez donc pas nécessaire d'augmenter le personnel ?
Si. Mais on ne doit pas, comme cela existe dans d’autres organisations, créer des groupes de travail où l’essentiel travail consiste à trouver du travail au groupe. L’Agence a besoin concrètement de 15 personnes de plus l’année prochaine. A plus long terme, davantage sans doute, mais cela dépendra des projets confiés.
Il faut donc un budget pluriannuel ?
Oui C’est essentiel. Nous travaillons sur des programmes d’actions de trois ans, sans avoir de budget sur la même période. Ce n’est pas logique ! Je compte faire une proposition en 2009 pour les années 2010-2012.
Le Plan, que vous présentez le 8 juillet, c'est une réponse au déficit de capacités ?
Oui. Aucun État européen ne peut plus supporter, seul, les investissements nécessaires pour sa défense nationale. C’est clair ! Il faut absolument générer des coopérations, des synergies supplémentaires. Ce plan, c’est la meilleure réponse, très des des projets à court ou long terme entre les États membres. Nous ne devons pas en effet construire une Europe de la défense à Bruxelles seulement, mais discuter avec les États et travailler ensemble.
Quel exemple concret de coopération proposez-vous ?
Par exemple, nous voulons développer des coopérations pour faire face aux attentats par explosifs improvisés (Improvised Explosive Devices). C’est un énorme défi qui recouvre plusieurs aspects : des moyens passifs de protection des personnels, de l'entraînement, les méthodes de reconnaissance, d'enquête et d'investigation, etc.
Quelle contribution l’Agence peut apporter au déficit de capacités d’hélicoptères qui reste criant en Europe ?
Effectivement. Quand on voit que l’opération Eufor Tchad/RCA a dû être reportée à cause du manque de disponibilité des hélicoptères, c’est une urgence! Contrairement à ce qu’on croit, le problème ce ne sont pas les machines; elles existent. Mais peu sont adaptées aux opérations extérieures : les équipages ne sont pas formés à certaines situations, il manque certains équipements.
Nous travaillons dans trois directions. A court terme, nous voulons mettre au point un programme de formation tactique commun spécifique (vols de désert, de nuit, en montagne…) ; nous ferons une proposition au 2e semestre 2008 (avec démarrage en 2009). A moyen terme, nous procédons à un inventaire des hélicoptères auxquels il manque certains équipements pour les opérations (électroniques, protection balistique, capacités de vol de nuit) et comptons proposer aux Etats membres un programme de rénovation (upgrade) des hélicoptères. A quoi il faut ajouter l'initiative franco-britannique hébergée à l'Agence. A plus long terme, nous voulons mettre en application la déclaration franco allemande faite au Bourget en 2007, c’est-à-dire concevoir et développer un hélicoptère de gros 30 tonnes (type Chinook CH-47) avec livraison à l’horizon 2018.
Pour les futurs avions A400M, comment voyez-vous système de « pool » est possible?
Ce que nous voulons faire, c’est identifier précisément les besoins et développer un mécanisme de partage original. On ne peut pas se contenter de faire un simple « copier coller » du système utilisé pour les C-17 (à l’Otan). Ce dispositif devient de plus en plus cher. A priori, nous ne comptons donc pas recourir à un système de leasing privé mais plutôt à un partage des ressources entre États. Nous ne sommes pas encore fixés. C’est justement l’objet de notre travail: étudier toutes les possibilités et proposer la meilleure aux États. Premiers résultats : début 2009. Ce sera aux États membres ensuite de décider.
Le projet d’une armée européenne, vous y croyez ?
Ce n’est pas dans mes attributions. A titre personnel, je vous répondrai qu’en connaissant les vues différentes sur la Défense et des capacités des Etats membres, on peut dire que peut-être dans… 20 ou 30 ans, cela pourra se réaliser.
La présidence française de l’UE, vous en attendez quoi ?
Beaucoup. Ils peuvent compter sur nous.
Propos recueillis par Nicolas Gros-Verheyde
(entretien réalisé en tête à tête fin juin, publié le 4 juillet dans Europolitique/Europolitics)
Pour Alexander Weis, le renforcement du potentiel militaire européen comprend quatre éléments :
1° les "Headline goals" 2010 (Objectifs majeurs 2010) répondant "aux 158 déficits de capacité identifiés pour la conduite des opérations PESD".
2° Des projets de coopération : "340 projets nationaux recensés dans la base de données de l'Agence et 90 projets communs cernés".
3° Le retour d’expérience en opérations, "l'opération Congo nous a beaucoup appris, c’est une vérification de notre analyse selon la réalité du terrain".
4° Une "vision à long terme, pour se préparer à 2025".