Un travail hautement politique
Ce document (comme les autres concepts miitaires) recèle une dimension politique, sous-jacente, plus importante qu’il n’y paraît. Dans un contexte, où les militaires européens sont exposés directement, pour des missions qui ne relèvent pas automatiquement de la sécurité immédiate des frontières - prévention ou maintien de la paix pour le compte des Nations-Unies -, il s’agit de fixer la doctrine de coopération entre les Etats membres de l’UE pour la préparation de leurs opérations militaires à l'extérieur. Il reflète aussi l’originalité de l’intervention militaire de l’UE, qui englobe une large palette d’instruments (politique, diplomatique, économique, humanitaire et militaire).
Mesures "post-Wiesbaden"
Ce travail de mise à jour intervient aussi à un moment charnière. Cinq ans après l’opération Artémis au Congo (première d'importance pour l'UE) et la mise en place de la première "stratégie européenne de sécurité et de défense", il intervient en prélude, à la remise à jour de cette stratégie, programmée pour la fin 2008. Concrètement, il tient compte de la possibilité d’anticipation des crises et s’inscrit dans le cadre des mesures décidées au Conseil informel de Wiesbaden, sous présidence allemande, les 1er et 2 mars 2007 (mesures dénommées « post-Wiesbaden ») et au moment où de nouvelles zones d’action se profilent.
La planification est conduite à quatre niveaux, du plus haut niveau (institutions de l’UE) au plus près du terrain (niveau tactique) - dans les commandements des composantes de la force -, en passant par le niveau stratégique (le quartier général d’opération OHQ) et le niveau opérationnel (Quartier général de la force FHQ).
La planification comporte traditionnellement trois phases : préparer les options, envisager toutes les alternatives et conduire les plans finaux. L’essentiel de cette tâche revient à l’Etat major de l’UE. Il travaille de façon continue, « par anticipation pour informer les décideurs politiques et leur permettre de prendre les décisions nécessaires pour entamer la planification réelle le plus tôt possible ». Cette planification anticipée est « essentielle pour réduire le temps de réponse de l’UE à la crise ». Elle peut être « générique » (opération où tous les facteurs ne sont pas complètement identifiés) ou « éventuelle » (tous les facteurs d’une opération ont été identifiés). Dans ce dernier cas, cela inclut une indication des ressources nécessaires et les options de déploiement envisagées. La planification intervient aussi en "réponse à la crise, en avance ou concomitamment au processus de décision politique".
Un processus qui démarre dès qu'une crise est identifiée
Ce processus commence « aussitôt qu’une crise émergente est identifié par l’UE au niveau politique ». Il conduit généralement à l’élaboration de trois documents par l’Etat major de l’UE.
1) Le « Concept de gestion de crise » (CMC) est le document cadre conceptuel décrivant l’approche générale de l’UE dans la gestion d’une crise particulière. Dès qu’il est adopté, le COPS donne une instruction à l’Etat-Major pour étudier les options stratégiques militaires (MSO directive).
2) Les « Options stratégiques militaires » (MSO) envisagent des actions militaires précises et les ressources nécessaires, ce qui inclut également une évaluation de la faisabilité et des risques. Elles doivent aussi inclure l’objectif visé, la stratégie de sortie de crise, les objectifs d’engagement militaire et le degré d’emploi de la force. Le Conseil détermine alors une option et décide le déclenchement d’une opération (adoption d’une Action commune).
3) « L’Instruction militaire initiale » (IMD) fournit - sur la base de l’option choisie par le Conseil - une description claire des objectifs politiques et militaires et la mission assignée aux militaires pour remplir ces objectifs. Elle inclut également certaines limitations politiques que le commandant d’opération devra prendre en compte lorsqu’il rédigera le Concept d’opération (Conops) et la déclaration provisoire de besoins (PSOR), comme le Plan d’opération (OpPlan) et les règles d’engagement (ROEREQ).
Cet enchaînement, précise le document, doit davantage être regardé « comme un idéal que comme obligatoire. En pratique, due à la contrainte du temps ou des évènements, les étapes peuvent être sautées ». Une certaine « dose de flexibilité et de pragmatisme » doit être appliquée tout au long du processus.
La planification militaire au niveau politique et stratégique ne cesse pas avec la publication de l’Instruction. L’Etat-Major de l’UE fournit un soutien de planification pour l’opération dans le but de garantir une « transition en douceur » du processus de planification, des niveaux politique et stratégique au niveau militaire. Et quand l’opération est lancée, il faut « continuer de suivre l’environnement stratégique et de fournir des analyses et évaluations ».