• A très court terme, le renforcement du bureau du Représentant spécial de l'UE à Tbilissi, le suédois Peter Semneby, et du "Border support Team" (BST) déjà en place. Environ une demi-douzaine de personnes (on parle de six à huit), des conseillers politiques essentiellement, pourraient ainsi être envoyées très rapidement (dans les jours qui viennent = ce pourrait être une décision du Conseil européen). Ce qui nécessite, formellement, de modifier l'action commune (qui date de 2003) afin notamment de mettre une rallonge budgétaire.
• Le renforcement de la délégation de la Commission européenne à Tbilissi et du Sitcen, le centre de renseignements de l'UE, par des experts nationaux détachés des Etats membres spécialistes des pays du Caucase.
• A moyen terme, une "mission européenne de surveillance" pourrait être déployée, sur le modèle de celles déployée en ex-Yougoslavie ou à Aceh (Indonésie). Les différents comités compétents du Conseil (Relex, Coex...) cogitent actuellement de même que l'Etat-Major de l'UE et le nouveau CCPC.
Les experts doivent, en effet, envisager des réponses à un certain nombre de questions (liste non limitative) :
- Si l'UE envoie une mission, la nature de la mission: civile ou militaire, voire... civilo-militaire ?
- le contexte de la mission : mission PESD montée en coopération / liaison avec celle de l'OSCE ? Sur la base une résolution de l'Onu ? Ou en propre (avec invitation de la Géorgie) ?
- le financement : si c'est une mission civile, c'est le budget communautaire - dans sa ligne "Pesc - relations extérieures" - qui est mis à contribution (le Parlement européen doit voter une augmentation de budget); si c'est militaire ce sont les Etats membres, avec pour partie un mécanisme de solidarité (Athena) (1);
- la base juridique de la mission : nouvelle décision (pour une mission "Pesd" en propre), ou modification de l'Action commune déjà en cours
- le nombre de personnes affectées à cette mission et le budget ;
- le mandat détaillé de la mission : surveillance des frontières, signalement des violations du plan de paix (mais lequel), surveillance des droits de l'homme, protection des minorités, rapports d'alerte au Conseil et aux belligérants;
- la nature de la coopération avec les belligérants : la Géorgie et, surtout, la Russie,
etc.
Le mandat de la mission pourrait être "calé" sur deux missions antérieures européennes :
- le plus proche dans le mandat et le contexte géopolitique - mais le plus lointain dans le temps est - la mission EUMM de surveillance en ex-Yougoslavie qui avait pris le relais, en 2001, de ce qui fut la première mission PESD avant la lettre: la mission d'observation de la Communauté européenne en ex-Yougoslavie (ECMM), entamée... en 1991 (voir archives). Elle était particulièrement chargée de surveiller les frontières, nées des différents conflits entre républiques ex-Yougoslaves. Composée de 120 observateurs, 26 Etats européens y participèrent au final (UE-25 + Norvège), cette mission avait pour objectif: a) de suivre l'évolution de la situation politique et en matière de sécurité dans la zone relevant de sa compétence; b) d'accorder une attention particulière à la surveillance des frontières, aux questions interethniques et au retour des réfugiés; c) d'établir des rapports analytiques sur la base des instructions reçues; d) de contribuer à l'alerte rapide du Conseil et à l'instauration de la confiance, dans le cadre de la politique de stabilisation menée par l'Union européenne dans la région; etc.
- la plus proche dans le temps, mais dans un contexte un peu différent, est la mission AMM à Aceh en Indonésie - chargé de surveiller l'application de l'accord de paix entre le gouvernement indonésien et le mouvement "Aceh Libre" (voir l'action commune). Cette mission avait surtout pour objectif de : a) surveiller la démobilisation du GAM et son désarmement; (...) c) la situation des droits de l'homme ; (...) g) les violations présumées du mémorandum d'entente et les plaintes en la matière; h) établit et maintient des liens et une bonne coopération avec les parties.
Coté coopération internationale, la mission devra s'appuyer sur deux autres internationales actuellement sur place :
- la mission de l'Onu en Géorgie, la Monug, déployée en Abkhazie qui comporte la participation de militaires, dont 60 environ provenant d'un pays de l'UE, mais dont le mandat est plus limité que ce que pourrait être une mission Pesd (voir son dernier rapport).
- la mission de l'Osce en Géorgie.
En toile de fond de toutes ces discussions figure le contexte géopolitique : si on ne peut avoir un accord officiel des Russes au déploiement de ces missions, l'UE devra obtenir leur accord tacite. Il faut aussi que les Européens évitent d'accréditer que la limite "Géorgie-Ossétie du Sud" est une frontière internationale, et entériner ainsi une "ligne verte" intangible. Il faut aussi une force de maintien de la paix (dans son mandat de force), qui puisse travailler, sans un plan de paix, des deux cotés d'une frontière (Géorgie-Ossétie). Enfin, il faut (paraître) s'imposer face aux Russes sans (paraître) les brusquer. Le chemin est donc délicat...
(1) La logique voudrait que ce soit une mission civile - même si elle sera composée de militaires - ou civilo-militaire, donc avec une bonne part de budget communautaire. On verra alors si le Parlement européen acceptera de voter une rallonge budgétaire, à hauteur de son discours très engagé et interventionniste, au budget "relations extérieures - missions civiles de la PESD", déjà bien ponctionné par la mission Eulex Kosovo.
Crédit photo : Conseil de l'UE (Peter Semneby)