Une politique pas encore commune
Les rédacteurs du nouveau Traité ont cependant pris soin d’encadrer la politique de défense afin qu’elle ne déborde pas sur les compétences nationales. Il a ainsi été précisé que « les dispositions régissant la politique commune en matière de sécurité et de défense ne préjugent pas de la nature spécifique de la politique de sécurité et de défense des États membres. L’UE et ses États membres demeureront liés par les dispositions de la Charte des Nations unies et, en particulier, par la responsabilité première incombant au Conseil de sécurité et à ses États membres d’assurer le maintien de la paix et de la sécurité internationales » (Déclaration N° 13).
De plus, le processus décisionnel en matière de politique de défense reste entièrement soumis à la règle du vote à l’unanimité. Et l’adoption d’actes législatifs est exclue (article 24 §2 du Traité sur l’UE - TUE). Aucune possibilité d’évolution vers la majorité qualifiée n’est prévue (article 280H du Traité sur le fonctionnement de l’UE - TFUE). Dans le même esprit, la Cour de justice de l’Union européenne n’est pas compétente (article 275 TFUE).
Les différences substantielles de visions des États membres et de leurs capacités militaires explique cette série de dispositions. Le Traité mentionne ainsi à plusieurs reprises des réserves ainsi que la nécessité de préserver autonomie de l’OTAN, demande britannique notamment.
Mais l’ambition réitérée est d’avoir « une définition progressive d’une politique de défense commune qui peut conduire à une défense commune » (article 24 TUE). Le passage à la défense commune est décidé par le Conseil européen, à l’unanimité ; il recommande alors aux États membres d’adopter une décision, selon leurs propres règles constitutionnelles nationales (article 42 §1 TUE).
Des missions élargies
Définition. La mission dévolue à l’Union est d’assurer « une capacité opérationnelle s’appuyant sur des moyens civils et militaires ». L’Union peut y avoir recours dans des missions en dehors de l’Union afin d’assurer le maintien de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale conformément aux principes de la charte des Nations unies. L’exécution de ces tâches repose sur les capacités fournies par les États membres. Ces Etats s’engagent d’ailleurs à « mettre à disposition » ces capacités et à les « améliorer progressivement ».
Missions de Petersberg. Outre les missions humanitaires et d’évacuation et les missions de combat pour la gestion de crises, déjà contenues dans l’ancien Traité, le nouveau Traité entérine l’élargissement du champ d’application de ces missions - nées en pleine guerre de l’ex-Yougoslavie, en juin 1992, lors d’une réunion des ministres des Affaires étrangères et de la Défense de l’Union de l’Europe Occidentale (UEO) à Petersberg (près de Bonn). Il comprend désormais : les actions conjointes en matière de désarmement, les missions de conseil et d’assistance en matière militaire, les missions de prévention des conflits et de maintien de la paix et les opérations de stabilisation à la fin des conflits. Et toutes ces missions peuvent contribuer à la lutte contre le terrorisme (article 43 TUE).
Clause de défense commune. Inspirée du traité de l’UEO, le nouveau Traité établit une obligation de défense mutuelle. Si un État membre est objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui « doivent » alors aide et assistance « par tous les moyens en leur pouvoir ». Cette obligation n’affecte pas la « spécificité » de certains Etats membres (neutres ou liés par des accords spéciaux) ainsi que les accords de l’OTAN (article 42 §7 TUE).
Clause de solidarité. « Si un État membre est l’objet d’une attaque terroriste ou la victime d’une catastrophe naturelle ou d’origine humaine (…), l’Union mobilise tous les instruments à sa disposition, y compris les moyens militaires mis à sa disposition par les États membres ». L’UE peut ainsi utiliser des moyens de prévention (face à la menace terroriste) ou pour protéger les institutions démocratiques et la population civile. Elle peut aussi porter assistance à un État membre, « à la demande de ses autorités politiques » (article 222 TFUE). Cette Clause de solidarité est mise en œuvre par une décision adoptée par le Conseil, sur proposition conjointe de la Commission et du haut représentant. S’il y a des implications militaires dans le domaine de la défense, le Conseil statue à l’unanimité. Le Parlement européen est informé. Par ailleurs, Conseil européen procède à une évaluation régulière des menaces auxquelles l’Union est confrontée. Cette clause a été mise en œuvre, de manière anticipée, après les attentats de mars 2004 à Madrid. Elle est complétée par la disposition sur la protection civile.
Des moyens opérationnels
Coopération structurée permanente. C’est la principale nouveauté de ce Traité. Les Etats volontaires doivent s’engager à fournir des unités de combat « projetables » sur un terrain extérieur, c’est-à-dire avec les éléments de soutien (transport, logistique…) dans un délai court (5 à 30 jours) pour une durée de 4 mois. Cette coopération est mise en œuvre normalement dès l’entrée en vigueur du Traité. Chaque Etat voulant participer à cette coopération le notifie au haut représentant. La décision de mise en place de la coopération est ensuite prise dans les trois mois. Un Etat membre peut décider ultérieurement de la rejoindre. La décision de création, comme celle d’admettre ou de suspendre des membres, sont prises à la majorité qualifiée. En revanche, à l’intérieur de cette coopération, les décisions doivent être prises à l’unanimité (article 42§6 et 46 TUE + Protocole N° 10).
Groupe de nations. Le Conseil peut « confier la réalisation d’une mission, dans le cadre de l’Union, à un groupe d’États membres afin de préserver les valeurs de l’Union et de servir ses intérêts ». Les États qui participent à la réalisation de la mission informent régulièrement le Conseil de l’état de la mission de leur propre initiative ou à la demande d’un autre État membre (article 44 TUE).
Coopération renforcée (simple). Les restrictions figurant dans le traité de Nice sont supprimées, cette possibilité pourrait donc s’appliquer à la PSDC.
Agence européenne de défense. Déjà créée par anticipation à la Constitution en 2004, sur décision du Conseil européen de Thessalonique, l’Agence trouve, ici, une consécration juridique et une garantie d’autonomie. Le mandat qui lui est fixé est aussi plus global : non limité à la gestion de crise ou aux armements, l’agence reçoit aussi comme mission de promouvoir une harmonisation des besoins opérationnels Elle conserve évidemment ses autres missions : aider à l’évaluation des objectifs de capacités militaires, recherche et développement, base industrielle et technologique d’un marché de la défense. Le statut, le siège et les modalités de fonctionnement de l’Agence sont décidés à la majorité qualifiée (article 45 TUE)
Des moyens financiers
Le Traité maintient l’interdiction de mettre à la charge du budget général de l’Union les dépenses opérationnelles militaires ou de défense. Ces dépenses restent à la charge des États membres selon la clé du produit national brut, « à moins que le Conseil, à l’unanimité, n’en décide autrement ».
Deux exceptions sont prévues.
1° Le Conseil peut adopter une décision garantissant un accès rapide aux crédits du budget destinés au financement d’urgence pour des initiatives concernant les activités préparatoires des missions de Petersberg. Le Parlement européen est consulté.
2° Le Conseil peut mettre en place un « fonds de lancement », constitué de contributions des États membres, pour le financement des actions préparatoires aux missions de Petersberg et de la PSDC qui ne sont pas prises en charge par le budget général de l’Union. Le Conseil des ministres statue à la majorité qualifiée sur proposition du Haut représentant (article 41§3).
Un chef
C’est le Haut représentant qui conduit la politique de sécurité et de défense commune de l’Union. Il fait des propositions et l’exécute en tant que mandataire du Conseil (article 18 TUE).
Le Parlement européen est régulièrement consulté par le haut représentant sur les principaux aspects, les choix fondamentaux et l’évolution de la PSDC. Ses vues sont « dûment prises en considération » par le haut représentant. Les représentants spéciaux peuvent être associés à l’information du PE. Par ailleurs, la thématique de défense n’est pas interdite au débat des parlements nationaux. La conférence des organes parlementaires spécialisés dans les affaires de l’Union (Cosac) peut ainsi convoquer une conférence interparlementaire sur ce sujet.
(Article paru dans le numéro spécial d'Europolitique - consacré au Traité de Lisbonne - références mises à jour avec la nouvelle numéroration du traité)
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