Face aux multiplications de raids pirates au large de la Somalie, estimez-vous nécessaire de mettre au point une opération européenne ? L’Allemagne y participera-t-elle ? A quelle hauteur ?
Je suis satisfait que l’Union européenne soit capable de mettre sur pied une telle mission. Et nous la soutenons. Du coté allemand, nous avons maintenant besoin d’un mandat du Bundestag, pour prendre une décision politique. Il faudra ensuite, au niveau européen, décider quels pays participeront à cette mission et quels types de moyens ils seront prêts à mettre à disposition. Le format actuellement prévu pour cette mission est de trois frégates, un bâtiment de soutien, trois avions de reconnaissance et de surveillance maritime. L’Allemagne pourra y participer avec une frégate, mais cela fait partie d’une négociation entre Etats membres pour définir la mission précisément.
Une contribution supplémentaire à ce qui est déjà fait dans le cadre de la task force 150 ?
Oui. Ceci est une contribution supplémentaire, à distinguer de l’opération « enduring freedom » (liberté immuable), qui est une opération de lutte antiterroriste. À partir de novembre, nous aurons dans le cadre de l’opération OEF un bâtiment sur zone où actuellement nous mettons en œuvre un avion de patrouille maritime basé à Djibouti.
On a l’impression que l’Allemagne est plus réticente, ou moins enthousiaste, sur l’Europe de défense ces derniers temps ?
Je n’ai pas cette impression. Nous souhaitons réaliser notre contribution pour Europe défense. Il faut voir que depuis la décision à Cologne en 1999, nous avons parcouru un chemin important. Regardez la mission en Bosnie, au Congo, et l’opération qu’on lancera maintenant en Somalie. L’Allemagne participe aux Battles groups, que nous continuons à faire évoluer. Dans le cadre de la réunion de Deauville, on a dit que nous voulons développer les capacités UE, comme l’initiative sur les hélicoptères et surveillance maritime. Ces sont ces points qui font évoluer l’Europe de défense. Il faut faire évoluer les capacités militaires européennes. C’est de çà dont l’Europe a besoin.
Permettez alors trois questions tests de l’engagement allemand dans l’Europe de la Défense. Premièrement, les Battlegroups (la force de réaction rapide de l’UE), ne sont pas vraiment utilisés aujourd’hui. Faut-il élargir leur mandat pour l’engager sur un théâtre d’opération comme une force préliminaire… ?
Les Battles groups sont conçus comme une force de pompiers, avec une disponibilité opérationnelle dans les dix jours pour la maîtrise des crises. C’est leur mandat. Aujourd’hui ce ne sont que des unités de l’armée de terre, ce qui importe c’est de l’élargir pour inclure des éléments marine et aérien. Et avoir ainsi une capacité de réaction élargie.
Ensuite, estimez-vous nécessaire de revoir les modalités de financement en commun des opérations militaires, ce qu’on appelle le mécanisme Athena, comme le veut la présidence française ?
Je dirai plutôt : chaque Etat doit mettre en place les capacités dont il est capable pour agir en commun. Nous avons un principe en Europe : les coûts doivent être supportés là où ils sont engendrés. Cela a une conséquence : quand un Etat met un grand nombre de moyens militaires et est appelé à mettre au pot pour les financements communs, il est en quelque sorte « puni » deux fois. Exemple : pour l’initiative des hélicoptères, nous venons de commander pour 28,5 millions d’euros de matériel. Idem, pour l’Airbus A400M, nous avons commandé 60 appareils. Je ne voudrais pas demain qu’on me présente une facture pour participer à des coûts communs d’équipements que nous avons déjà financés. Cette facture doit plutôt être présentée aux Etats qui ne participent pas, avec leurs propres forces et leurs moyens.
…Enfin, que pensez-vous de l’idée d’avoir un Etat-Major militaire renforcé de l’Union européenne à Bruxelles ?
Nous sommes en faveur d’une capacité de planification et de commandement européen. Le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune doit avoir des fonctions accrues pour que l’Europe dispose d’une réelle capacité d’action. C’est dans ce cadre plutôt qui nous permettra de réfléchir à une éventuelle réorganisation des attributions des différents quartiers généraux, sachant que toute duplication des responsabilités des états-majors doit être évitée.
(article paru dans Europolitique le 7 octobre)
Franz-Josef Jung en quelques mots. Né le 5 mars 1949 à Eltville (Land de Hesse), membre de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), il est ministre fédéral de la Défense – dans le gouvernement d’Angela Merkel - depuis le 22 novembre 2005. Son baccalauréat (Abitur), Jung le passe… en 1968. Service militaire accompli (1969-1970), il fait des études de droit à l’Université de Mayence (1970-1974), passe son doctorat en 1978. Mais c’est la politique qui l’intéresse surtout. Député de Rheingau-Taunus (1972-1987), il fait une bonne partie de sa carrière dans son Land natal au sein du groupe parlementaire de la CDU (dont il devient président en 2003) et au gouvernement du Länder Land (ministre des Affaires fédérales et européennes 1999-2000).
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