Pour une Europe acteur global
La Suède entend, en effet, promouvoir son "fort engagement au développement de la PESD" dans la lignée de "son engagement international pour les opérations de paix dans le cadre de l'ONU", et "renforcer le rôle de l’UE en tant qu’acteur global" ainsi que vient de le rappeler l'ambassadeur de Suède à Paris, devant l'UEO, début juin (1). "Il ne s’agit pas de renforcer l’aspect militariste de l’UE mais avoir des missions plus ambitieuses au niveau de maintien de la paix" a précisé le ministre de la Défense suédois, Sten Tolgfors (2). Précisons que le thème de la "Défense" en Suède n'est pas un sujet anodin. Au plan interne, le pays amorce, en effet, un changement stratégique avec une volonté du gouvernement de se rapprocher de l'OTAN et moderniser la capacité de ses armés.
La priorité : les capacités militaires, et surtout les battlegroups, et les capacités civiles.
Concernant les Battlegroups européens, l'évolution paraît nécessaire et la Suède qui a testé l'inutilité de la formule (en 2008 lors de son tour d'astreinte) est bien décidée à utiliser sa présidence pour obliger à évoluer. Pour éviter de voir la situation se répéter. (La Suède reprendra son tour de garde en 2011. Et la préparation du battlegroup nordique a déjà commencé...).
Deux groupements d'intervention légère, d'environ 1500 hommes, sont en effet d'astreinte par semestre (le planning tournant entre les Etats membres). Mais ils n'ont jamais été utilisés. Ce n'est pas faute de préparation (certains se préparent très sérieusement, notamment les Nordiques) ou de besoins sur le terrain (au Tchad par exemple avant la mission Eufor ou au Congo où l'UE a finalement décidé de ne pas intervenir). Mais plutôt de convenances. Soyons clair : on a un beau joujou et on le remise soigneusement sur une étagère pour ne pas l'abimer... Ce sujet est important et mérite le détour. Sinon on pourra ranger ces "battlegroups" au rang des inventions inutiles ! (NB : c'est moi qui le dit et non la présidence. Mais en privé certains militaires ne se cachent pour être encore plus brutal).
Pour la Suède, il faut "entamer les discussions pour avoir une vision plus flexible de leur emploi" sur le terrain. Il s'agit - précise Tolgfors - "d'étudier toutes les évolutions possibles : le type de situations auxquelles doit faire face un Battlegroup, l'usage comme réserve stratégique ou pour la génération de force, les échanges d'information et une meilleure coopération, le financement (quelle part de budget commun peut couvrir les frais d'engagement, etc...)".
Concernant les capacités civiles, la priorité est de renforcer la disponibilité du personnel - pour avoir du personnel qualifié et en nombre suffisant.
Un agenda chargé coté opérations
Coté opérations, la Suède aura à gérer la prolongation de l'opération Atalanta au large de la Somalie (et des Seychelles) contre les pirates, son extension, en dépendant de la situation sur le terrain, totalement changeante. La "nouvelle génération de force devrait être entamée en septembre pour la continuité de l'opération" explique-t-on coté suédois. Il s'agira aussi d'étudier le renforcement de la "coopération avec les forces déjà présentes" (NB : Otan, CTF, ...). "Il est nécessaire de ne pas dupliquer les forces". Et, surtout, les "possibilités pour stabiliser la Somalie : le renforcement des institutions (à étudier avec la Commission européenne qui est partie intégrante de ce sujet), la mission de formation des forces de sécurité". Dont la situation reste criante.
En Bosnie, aussi le moment est crucial. L'évolution de l'opération Althea doit se décider. si "l'option 3 d'une force avec un mandat "non exécutif" est reconnu comme nécessaire par la plupart des Etats membres, il existe encore de nombreuses différences", reconnait le Ministre. "Certains Etats considèrent que le moment de quitter la région n'est pas venu". Il est "important de prendre en compte toutes les considérations y compris celle de la sécurité" ajoute-t-il. Et, "surtout, il ne faut pas lier les deux questions l'opération et la présence militaires et la continuité du poste d'Haut représentant de la Communauté internationale".
La Géorgie sera également au centre de la préoccupation. Si la situation s'est stabilisée, gelée, le risque d'incidents frontaliers demeurent avec l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie. Et la situation politique interne est toujours instable. Le représentant spécial de l'UE dans le Caucase, Semneby, est suédois. Et dans les cercles européens, on perçoit tout l'intérêt que la Suède a dans le Caucase, une région test pour les relations de l'UE avec la Russie. Autre sujet de priorité de la présidence suédoise.
Même si le Moyen-Orient est peu mentionné officiellement, on peut être sûr qu'il reviendra rapidement au devant de l'agenda politique (d'autant que l'évolution américaine sur la question Israël-Palestine s'affirme de jour en jour). Dans ce contexte, le reploiement d'Eubam Rafah - toujours bloqué - pourrait revenir rapidement sur la scène. Les deux missions de l'UE de la région, qui ont commencé à être renforcées, pourraient également être dans les discussions : Eupol Palestine (vers une mission Etat de droit sur la chaine pénale et les prisons), Eujust Iraq (extension au niveau géographique).
La Suède aura également à gérer la montée en puissance d'EUPOL Afghanistan - dans un contexte risqué électoral - alors que l'effectif n'est toujours pas au complet.
Bref... On n'aura pas le temps de s'ennuyer. Notons que la présidence se prépare très sérieusement. Les visites d'expert se succèdent à Bruxelles depuis déjà plusieurs mois. Le ministre de la Défense a déjà rencontré plusieurs de ses homologues (allemand, polonais...). Et les diplomates suédois de la Représentation permanente sont bien décidés à s'impliquer pleinement dans tous les dossiers.
Le blog du ministre de la défense suédois
(1) Discours prononcé à Paris, devant l'assemblée de l'UEO.
(2) Entretien à batons rompus avec quelques journalistes, lors d'une visite à Bruxelles
(3) Lire aussi "comment répondre non poliment à l'ONU"
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