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5 août 2009 3 05 /08 /août /2009 08:30
Karl Von Wogau (KVW) a tiré le rideau sur près de 20 ans passés au Parlement européen. Le 15 juillet était sa dernière séance… Enfin pas tout à fait. Car, à 68 ans, il fait partie de ces « indécrottables » européens, tant raillés parfois, mais oh combien nécessaires, qui, loin d'être des idéologues, cherchent des avancées tout en pragmatisme… Karl Von Wogau quitte donc son bureau d’eurodéputé de la rue Wiertz à Bruxelles pour aller occuper quelques mètres plus loin, continuer dans cette voie en occupant un autre bureau, celui de sa Fondation pour la sécurité européenne qu’il lance (1). Une Fondation qui aura pour tâche de réfléchir à l'Europe de la Défense dans le futur, avec la rédaction d'un Livre Blanc. Et pour remplir ce "Livre", il ne manque pas d'idées : mieux dépenser en Europe en matière de défense, partager certains équipements communs, particulièrement dans certains domaines stratégiques : communications, transports, recherche, formation. Pour cela, il ne faut pas se contenter de réaliser quelques projets industriels ensemble, mais passer à l'étape suivante, à la vitesse supérieure: définir en commun et certifier en commun. Il ne faut pas hésiter également à mettre en commun certains corps opérationnels (comme la gendarmerie européenne) ou des centres de commandement (Euromarfor...).

• Cinq ans à la tête de la commission de défense du Parlement européen. Quel bilan ?
KVW - Il faut mieux dépenser dans la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD). Avec 27 budgets de la défense d’un montant global de 200 milliards d’Euros, on atteint seulement la moitié du budget américain (et encore grâce au cours actuel de l’Euro). Quant aux capacités réelles, elles sont au-dessous de la moitié. Car nous consacrons beaucoup de dépenses au personnel. Avec deux millions de soldats, on devrait arriver à au moins 3% d’effectif en mission extérieure, soit 60 000 hommes vraiment à disposition (de l’UE). Il faut également examiner de près l’équipement des troupes ; et, pour ce qui coûte cher, trouver des équipements en commun. L’objectif n’est pas de créer une armée européenne. Mais d’avoir une structure de commandement commune et les équipements nécessaires pour mener à bien les opérations civiles et militaires (de la PESD).

• Si je vous donne quatre cartes à jouer en priorité, lesquelles tirez-vous ?
KVW - 1° Les satellites, les communications. Nous avons fait un grand progrès en permettant une mise à disposition commune des photos prises avec Sar-lupe, Helios, comme avec Cosmo/Skymed. Et le fait que le PE ait insisté pour lancer Galileo, avec 3,4 Milliards d’euros de financement, est vital pour l’avenir.
2° Le transport (tactique, stratégique). C’est vraiment une nécessité de disposer de l’A400M. On ne le répétera jamais assez. Le coût et le délai supplémentaires sont regrettables. Mais c’est un programme nécessaire. S’il n’est pas réalisé, ce ne sera pas mieux, ce sera pire. C’est comme Galileo, ce sont des programmes qui garantissent de l’autonomie européenne, font partie de notre capacité stratégique d’agir. Il faut également développer des hélicoptères. On ne peut pas revivre la situation, d’Eufor Tchad, quand la riche Union européenne a eu besoin des Russes - « un mal nécessaire » - pour avoir le nombre d’hélicoptères nécessaires à la mission...
La recherche en sécurité. Nous avons 1,3 Milliard d'euros dans la planification budgétaire européenne. La protection des frontières extérieures et protection des infrastructures critiques, comme les centrales nucléaires, est essentielle.
Les Hommes. Il faut être préparé à gérer des opérations, comme en Géorgie, où il a fallu mettre sur place en peu de temps, 300 observateurs. C’était un exploit mais difficile. Dans ce type de situations, il faut donc avoir des contingents bien préparés. Des structures comme la gendarmerie européenne pourraient servir dans ce type.

• Vous êtes pour renforcer ce type de structure européenne ?
KVW - Oui absolument. Je suis pour renforcer Vincenza. On aurait des structures comme Vincenza et l’Eurocorps, et l’Euromarfor (structure de commandement maritime à Florence), pour l’aspect maritime qui est très important – ne serait-ce que pour la protection des côtes..., ce serait bien.

• Les projets réalisés en commun coûtent plus cher ?
KVW - C’est vrai. On a une agence européenne pour gérer les projets : Occar (l’Organisation Conjointe de Coopération en matière d’Armement). Mais la définition des projets reste au niveau national. Chaque administration définit des spécifications différentes ; cela ne facilite pas une réalisation rapide, et entraîne des coûts additionnels. Est-ce nécessaire que les 2000 personnes à la DGA (délégation générale des armements), et leur équivalent en Allemagne et au Royaume-Uni fassent la même chose ? Est-ce nécessaire d’avoir plusieurs certifications nationales pour le même produit construit en commun. Dans certains projets, cela peut aller jusqu’à 20% du coût d’un projet. Pour l’hélicoptère NH 90, il faut 11 certifications, ce qui a un coût – 4 milliards d’euros. Il faut passer à l’étape suivante : ne pas seulement réaliser en commun, mais définir en commun et certifier en commun. Il faut des normes communes.

• Vous lancez votre fondation, quel est son premier objectif ?
KVW - Une proposition d’un livre blanc qui poursuivrait les idées, que j’avais mises dans mon dernier rapport sur la stratégie européenne, l’espace et la sécurité. Nous voulons examiner l’impact des mesures prises sous la présidence française. Et voir quels projets communs mener. Il faudra ainsi voir comment fonctionne la toute récente directive européenne sur les achats publics ; important car elle permet la création d’un marché intérieur dans la défense. (Dans les deux cas), le rôle de l’Agence européenne de défense est important.

• Comment allez-vous travailler ?
KVW - Pour moi, le modèle est le Livre blanc français, avec d’abord un débat public, et l’organisation d’une série de tables rondes sur plusieurs sujets : les intérêts communs, les structures de commandement, les équipements nécessaires (surtout ceux trop chers pour être financés par un seul État membre)... D’ici la fin de l’année (2009), nous voulons sortir un premier papier pour cadrer le débat. Le livre blanc serait publié fin 2010. Mais la Fondation restera une structure assez légère. Avec des spécialistes qui viendront nous renforcer. Ainsi le général Kugat (ancien chef d’État major allemand) va présider un groupe de travail sur les menaces, les intérêts communs (environnement…).

• La PESD vous y croyez donc vraiment, ce n’est pas une illusion comme le disait un de mes confrères ?
KVW - Durant toute ma vie politique, j’ai préféré travaillé sur des projets qui avaient plus de 50% de chance de se réaliser. Quand j’ai travaillé sur le marché intérieur ou l’Euro, il y avait des critiques – rappelez-vous Grenspan qui disait que cette monnaie n’existerait jamais ou qu’elle disparaîtrait… L’Europe de la défense se fera. J’y crois.

(1) La Fondation est coprésidée par Karl Von Wogau et Guy Teissier, et compte dans ses rangs l’ancien Premier ministre belge Leo Tindemans (PPE/CD&V), l’eurodéputé espagnol Inigo Mendez de Vigo (PPE-DE), et l’avocate allemande Barbara Rapp-Jung. Javier Solana, à l’issue de son mandat (fin octobre) pourrait la rejoindre.

NB : entretien réalisé en face-à-face le 15 juillet 2009
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Derrière les murs, la politique (européenne) des affaires étrangères (PESC), de sécurité et de défense commune (PeSDC) est décryptée. Stratégie, politique, gestion de crises, industrie ou transport aérien militaire, surveillance maritime et protection civile...Missions militaires et civiles de l'UE (Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Géorgie, Moldavie / Ukraine, Afghanistan, Irak, Palestine, Congo RDC, Guinée-Bissau, Haïti, Océan indien, Somalie, Tchad).

logo_ouestfrancefr.pngL'éditeur : Nicolas Gros-Verheyde. Journaliste, correspondant "Affaires européennes" du premier quotidien régional français Ouest-France après avoir été celui de France-Soir. Spécialiste "défense-sécurité". Quelques détails bios et sources.