• Lire aussi : Le français, « langue morte » de la PESD ?)
De langue dominante, on passe à la langue unique. Catherine Ashton, la Haute représentante de l'UE pour les Affaires étrangères n'a pas parlé un mot d'une autre langue que l'anglais lors de son audition de trois heures au Parlement européen la semaine dernière (1). Pas un "bonjour" ou "merci" dans n'importe quel sabir européen voire mondial. L'Espagnol Javier Solana, son prédecesseur comme Haut représentant, maniait outre sa langue natale, l'anglais et le français. L'Autrichienne Benita Ferrero Waldner, qui officiait à la Commission pour les Relations extérieures, parlait, l'Espagnol et l'Anglais (fort bien) et se faisait un devoir quand une question était posée en Français de répondre dans cette langue également. Catherine Ashton a, elle, adopté le monolinguisme universel et se fait un devoir de ne pas parler d'autre langue. Mieux. Pour l'action européenne sur le séisme en Haïti, la majorité de la communication s'est fait, jusqu'ici, en anglais (un comble pour un pays francophone). Il a fallu une réaction officielle et de journalistes pour que Catherine Ashton accepte d'adresser ses déclarations écrites, aussi en français. Quant au commissaire à la Recherche, le Slovène Potocnik (futur commissaire à l'Environnement), il a aussi adopté "english only".
• Témoin son dernier communiqué sur Haïti...
La diplomate en chef de l'UE en exemple. Catherine Ashton ne comprend même pas le "français simple". Exemple lors de la dernière conférence de presse, jeudi. Un de mes collègues de la Radio Suisse Romande et du Point, Alain Franco, lui a posé jeudi lors de la conférence de presse, une question en Français. Il a fallu l'aide (discrète) de son porte-parole (qui manie bien le Français) se penchant alors à l'oreille de la Haute représentante pour comprendre, ce qu'un débutant à l'Alliance française pouvait facilement comprendre. On peut se demander comment elle va faire au Conseil européen (quand il n'ya pas d'interprète) ou face à des dirigeants africains francophones, par exemple... Je me rappelle également les réactions avec un commissaire français ne comprenant l'anglais...
• Regardez la conférence de presse (dans les dernières minutes), c'est symptomatique.
Ringard ! C'est généralement l'adjectif qui qualifie le journaliste, qui réclame une traduction en Français des principaux documents, qui passe alors pour un doux ringard, ignare de surcroît, et hostile au progrès. Or, le monolinguisme est dangereux et rétrograde. Le fait de n'avoir qu'une langue - qui n'est pas la langue natale de chacun - oblige à des raccourcis dommageables. Il modèle également une espèce de pensée unique, faits de mots standardisés - dont on oublie généralement le sens à force d'être utilisé. Comme journaliste je travaille régulièrement en anglais et m'essaie également dans d'autres langues (Allemand, Italien, Espagnol... au moins en lecture). Il est anormal que des responsables politiques et une institution qui ont pour obligation - de par les traités internationaux et la Charte des Droits fondamentaux - de respecter toutes les langues et nationalités, pratiquent ce qui pourrait se définir juridiquement à de la discrimination, alors qu'on demande de plus en plus aux journalistes de manier au minimum deux ou trois langues (*). Chacun me répondra de l'urgence ou d'un problème de traduction. Mon expérience des dernières années m'apprend que c'est faux : il ne s'agit pas d'un fait isolé. Mais d'une pratique répétée, construite et développée. (Nb : les principaux partis politiques au Parlement européen communiquent régulièrement dans au minimum 2 langues. Pourquoi pas à la Commission européenne).
(*) Tous les journalistes parlent au minimum 2 langues (anglais ou français ou allemand) en plus de leur langue natale. Faut-il préciser que la CE ne contribue aucunement à cette formation pluri-linguistique.
commenter cet article …