C'est pour cela que le Comité politique et de sécurité de l'UE (COPS) a examiné le 5 février ce qu'on appelle un "papier d'option" (1) pour permettre une meilleure traduction en justice des pirates arrêtés par les forces européennes.
Une réflexion entamée dès le début de l'opération Atalanta (2) mais qui a connu un nouveau développement après "l'aventure" de l'Evertsen, ce navire néerlandais qui a "trimbalé" plusieurs pirates arrêtés, pendant deux semaines à son bord, pour finir par les libérer... faute de pays d'accueil (3). Phénomène qui n'est pas totalement nouveau, "l'embouteillage" de la juridiction kenyane étant patent depuis plusieurs mois déjà (4).
A court terme, rassurer le Kenya. Ce pays demeure le principal pays à accueillir des pirates pour un procès (plus de 100 accueillis). Des « contacts à haut niveau devraient être pris avec le Kenya - précise-t-on du coté européen - pour l'assurer qu'il n'est pas et ne restera pas le seul pays à traduire les pirates ». Il faut surtout l'encourager à continuer d'accueillir des pirates. C'est la seule solution à très court terme (avec les Seychelles qui ont une capacité plus limitée). La Commission européenne pourrait ainsi préparer une deuxième décision de contribution au système judiciaire kenyan. Elle examine comment les principaux instruments budgétaires à disposition (instrument de stabilité, etc...) pourraient « apporter un soutien au Kenya » au-delà de 2010.
A moyen terme, il s'agit de trouver d'autres pays africains prêts à accueillir des pirates. Les diplomates vont reprendre leur baton de pélerin. Une dizaine de pays sont concernés : Ile Maurice (déjà approchée mais qui avait refusé (5)), le Mozambique, l'Ouganda (qui accueille déjà la mission EUTM de formation des soldats somaliens), la Tanzanie (qui accueille déjà la Cour africaine de justice et des droits de l'homme), l'Egypte, l'Ethiopie, Djibouti. Dans certains pays, des réformes pénales sont nécessaires pour être conformes au standard européen.
A moyen ou long terme, les Européens prospectent l'idée d'un jugement dans une "cour régionale", en usant de tribunaux déjà en place. Une première piste envisagée serait d'utiliser la Cour africaine de justice et de droits de l’homme d'Arusha en Tanzanie. Mais la solution est relativement complexe. Car elle nécessiterait, entre autres, de modifier le protocole de la Cour. La deuxième solution serait d'avoir une chambre spécialisée dans un (ou plusieurs) des pays africains concernés (6). Cette solution ad hoc - ne concernant qu'un pays - serait plus légère à mettre en place. Elle permettrait également d'appliquer un droit spécifique adapté à la piraterie (avec modification des règles pénales si le pays applique la peine de mort pour y apporter une exception) et d'apporter un appui conséquent, multinationational, au pays qui accepterait cette chambre spécialisée.
A long terme, la solution d'une Cour internationale de justice paraît écartée (6) : compliquée, contestée par plusieurs Etats au niveau international, elle risque même de ne jamais voir le jour, ou alors au bout de longues années (minimum 10 ans).
(1) "Prosecution of suspected pirates in the framework of operation EUNAVFOR Atalanta"
(2) Lire : Le montage juridique de l'opération EuNav Somalie, 1ers éléments (octobre 2008)
(3) Lire : L'Evertsen libère 13 pirates faute de pays d'accueil, un bug ? (décembre 2009)
(4) Lire : La poursuite en justice des pirates marque le pas (septembre 2009)
(5) Lire : L'ile Maurice ne veut pas des "suspects pirates" d'Atalanta
(6) Lire également : L'idée d'une Cour régionale pour les pirates fait son chemin (février 2010)
(crédit photo : Bundeswehr - militaires allemands d'Eunavfor Atalanta amenant au Kenya un suspect arrêté dans l'Océan indien)
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