Départ en patrouille vers le check point de Tskhinvali. Le principe est de mixer les équipes, les nationalités, et les profils : un expert civil, des policiers, des gendarmes. Chaque patrouille comporte deux véhicules. A la fois pour assurer la sécurité (si une voiture est touchée ou simplement en panne). Mais aussi pour assurer l'objectif de la mission.
"Une patrouille est toujours mixte, au niveau de la nationalité au moins et des expériences également. Et nous allons de plus en plus les mixer. C'est un atout" précise le général Janvier, adjoint au chef de mission. Les véhicules sont blindés, pour parer à tout problème. La situation reste en effet tendue, surtout à proximité de la frontière. Plusieurs policiers géorgiens ont déjà été victimes de tirs ou d’attentats par engin explosif improvisé.
Ce jour-là, plusieurs patrouilles partent de l'hôtel Victoria, siège du Field Office de Gori. Il n’y a pas de chef en tant que tel. Ni de grade.
"Nous ne sommes pas dans une mission militaire" me précise un officier. Mais, comme il faut bien un chef. Le principe acquis "c'est que le chef du premier véhicule prend la direction de la patrouille". Ce matin, nous partons dans la montagne, loin. Ce sont les Polonais qui sont devant avec leur AMZ au look très militaire. Les Français suivent avec leur Panhard bleu. Direction : Perevi, chez les Russes. Ils ont emporté de quoi coucher sur place (hôtel 0 étoiles, c'est à dire sans chauffage ni électricité). La route, chaotique, n’est pas vraiment faite pour rouler vite. Et ce qui à vol d’oiseau représente 60 kms oblige à un détour assez large, qui prend minimum 4 heures aux véhicules tous terrains. Cette route a raison de notre véhicule (nous sommes dans une voiture séparée, obligation de l'EUMM qui ne veut pas de journaliste dans ces véhicules, logique, mais peu pratique). Et la peur se lie sur le visage de notre traductrice qui panique, passe maints coups de fils à son patron, son cousin pour finir par me dire "on ne va pas plus loin, c'est trop dangereux". Anecdotique ? Non... révélateur d'un sentiment de fébrilité et de crainte chez certains géorgiens, du moins ceux de Tbilissi, alors qu'il n'y a aucun danger, surtout... derrière les deux blindés de l'EUMM. On rebrousse en chemin, laissant l'ours en cage veiller sur le bord de la route, au bord de la gargotte...
Patrouille suivante. Qu'à cela ne tienne, retour à Gori, on prend la patrouille suivante. Il y en régulièrement, en général, deux ou trois le matin, départ 8 heures. Et deux, l'après-midi. départ : 16 h. Le nombre de véhicules, de patrouilles varie selon l'actualité, et les ordres. Une certaine autonomie est laissée à chacun. L'OHQ donne des directives générales. Mais le Field Office apprécie la situation localement. Mais le chef de patrouille a aussi une large autonomie pour décider où il veut aller. Là c'est une patrouille Bulgaro-polono-française, dirigée par un expert civil (ancien du Ministère de la défense tout de même) : un Mercedes et un Amz. Direction inconnue. On suit. En fait on remontre vers le check point de Tskhinvali. Premier objectif : éviter les nids de poule et la circulation hasardeuse. Ici c’est la plaine. Nous sommes dans un pays de pommiers.
Au premier village, à Karaleti, un troupeau de vaches, la patrouille passe entre deux troupeaux. Quelques maisons détruites. Les habitants regardent avec attention ces véhicules militaires dont ils n’ont pas l’habitude. Pour distinguer à qui ils appartiennent. Effectivement la question de la visibilité de ces véhicules (dépareillés) se pose (lire sur les "
enjeux et défis"). Certains enfants saluent la patrouille. On circule lentement le village. Et on poursuit la route. Tirdznisi : quelques maisons sont déjà en reconstruction, fenêtres neuves posées, charpente. Cela va vite à reconstruire. On est dans l’ancienne "buffer zone" et si rien n’est visible de véritablement traumatisant, pour peu qu’on prête attention, on aperçoit des maisons sans toit, brûlées, derrière les arbres, au minimum 3-4 par village ou hameau. Ici ce sont beaucoup de paysans. On vit de la petite agriculture. Éventuellement on va travailler sur la ville. Brsteletsi, Ergneti : davantage de maisons détruites, une sur trois environ, ou brûlées.
On arrive en vue du check point. Les consignes de sécurité sont strictes. Surtout quand la vision n'est pas claire (comme souvent dans la région, à l'approche de la tombée de la nuit). Se garer assez loin du poste, approche de préférence à pied, avec un signalement très clair, chasuble bleue marquée de l’UE et béret bleu, démarche lente, pour éviter tout quiproquo.

Les "quatre mousquetaires" montent vers le Check Point © NGV
Prise de contact. Question d'un des Observateurs. Comment çà se passe ?
"Tout se passe bien. Hier ils nous ont jeté des pierres". Les deux postes sont distincts de quelques dizaines de mètres. Les deux drapeaux sud ossètes et russes flottent ensemble sur le poste.
"Ce matin, aussi, on a entendu des explosions. Au loin, comme des tirs d’entraînement". Il y a un peu de provocation en permanence. Les policiers géorgiens en tenue de combat et fusil mitrailleur – la tenue normale- sont dans des préfabriqués. La conversation roule ensuite sur le temps, le quotidien : "
Tiens on a vu vos collègues hier dans une jeep blanche". Étonnement de nos observateurs : "
Ce n'était pas l'OSCE ?" Réponse : "
Oui c'est çà l'OSCE", acquiesce le policier, souriant (l'a-t-il fait un peu exprès pour taquiner nos observateurs...). (*).

Prise de contact observateurs et chef du check-point © NGV
Les Observateurs regardent. Ils sont en pays de connaissance. Et visitent régulièrement le poste. Ils n'iront pas plus loin aujourd'hui. Ils doivent aller ailleurs. "
L’OHQ vient de signaler des tirs sur A.
Vu la tombée de la nuit, ce n'est pas très recommandé", expliquent-ils. Visiblement ils n'ont pas envie d'accompagnateur. Cette fois...
Les « policiers » géorgiens. Les « policiers » géorgiens sont là en fonction. Des unités spéciales, me dit-on. Mais au premier coup d’œil, difficile de distinguer qu’ils sont policiers. Habillés tout en kaki, avec casque, fusil M4 américain le plus souvent (l’AK 47 quand il s’agit de policiers plus ordinaires). Les Observateurs de l'EUMM peuvent exiger les cartes d’identité des policiers. Pour vérifier qu’ils ne soient pas militaires. Ils peuvent également entrer dans les postes de police pour vérifier qu’il n’y a pas d’armes lourdes. Mais finalement, comme l’avouera plus tard, un observateur «
Nous sommes bien obligés de leur faire confiance. Ils sont présentés comme des policiers, et ont des cartes de policier ». Les militaires géorgiens n’ont, en effet, pas le droit d’approcher la frontière. Et les armements lourds sont interdits dans la buffer zone. Les Observateurs vérifient régulièrement ce point. Au besoin la nuit...

policiers géorgiens au check-point © NGV
L'intérêt des patrouilles de nuit. Cela peut paraître anachronique. Mais il ya des patrouilles de nuit. Pourquoi ? "D'abord c'est notre mandat, être là 24 heures sur 24" m'explique le général Janvier. Ensuite "Patrouiller la nuit est intéressant. On peut voir des choses qu'on ne voit pas le jour, faire des observations intéressantes". Comme ce mouvement constaté par des observateurs de l'EUMM, en pleine campagne, une certaine nuit à 23h30, de 7 obusiers de 122 mm géorgiens, en dehors de la zone adjacente, mais pas loin tout de même des limites de l’Ossétie...