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17 août 2008 7 17 /08 /août /2008 18:25
Le Manneken Pis a été habillé des habits traditionnels géorgiens, rouge et blanc, le temps d’une manifestation, samedi 16 août.

« Cet habit national pour nous est important car, sous l’empire russe, porter l’habit géorgien était une manière de défier le pouvoir »
a expliqué Salomé Samadachvili, ambassadrice de Géorgie auprès de l’Union européenne, sur les écrans de la RTBF (la télévision nationale belge).

Cet habillage n'était pas une action officielle de la ville de Bruxelles. Mais avait été autorisé par l’association des amis de Manneken qui gère la statue du « môme qui pisse ». La statue qui, est le symbole avant tout de l'indépendance d'esprit des Bruxellois, n'a jamais aussi bien justifié son existence. Crédit photos : B. Ramishvili

Quelques 300 Géorgiens de Belgique et d’Allemagne s'étaient rassemblés dans l'après-midi dans le centre de Bruxelles, près de la Bourse, demandant la fin des combats et de l’intervention russe dans leur pays. Ils ont aussi réclamé à l'Europe de ne pas les oublier et d'intervenir.

Crédit photo : Quarsan
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16 août 2008 6 16 /08 /août /2008 23:59
Marie-Anne Isler Béguin, députée Vert au Parlement européen, et chef de la délégation du PE pour le Caucase est depuis lundi en Géorgie. Aujourd’hui (samedi), elle a réussi – avec une délégation officielle composée de l’ambassadeur de France en Géorgie, Eric Fournier, au titre de la présidence de l'Union européenne, et du vice-ministre des Affaires étrangères bulgare, Milen Keremedchiev, à entrer dans Gori. Elle raconte :

Comment etes-vous entré dans Gori ? Ce n'était pas ma première tentative. J’avais essayé d’entrer à Gori, déjà il y a deux jours. On avait franchi plusieurs check-points russes (six) avant de tomber sur un dernier, où on avait été arrêté. Le Général présent, le Général Borissov nous avait dit qu’il "ne pouvait pas nous laisser passer", car le "secteur n'était pas sûr, il y avait des éléments qui n’étaient pas sous les ordres des forces russes". Il m’avait promis de revenir dans deux jours, ce que j’ai fait.

Qu'avez-vous pu voir ? On n’a pas pu resté longtemps à Gori. Car les Russes nous ont dit de partir avant 18 heures. Mais assez pour rencontrer le gouverneur de la cité, M. Vardzelashvili qui a tenu à rester dans sa ville, et voir quelques femmes, assez âgées, apeurées, qui nous suppliaient d’amener de la nourriture, pour elles, pour leurs enfants.. La situation est désespérée. La population manque de tout. Je ne peux pas dire combien de personnes sont restées. La ville comptait 60 000 personnes. Beaucoup ont fui. Mais il reste sans doute quelques milliers de personnes, cachées. Il faut rapidement que les organisations humanitaires puissent accéder à cette ville, librement, il faut un corridor humanitaire.

La présence des Russes en Géorgie, qu'avez-vous vu ? Hier (vendredi) on est resté bloqué à Kaspi (ville située entre Gori et Tbilissi, à 30 kms de l'une, 50 kms de l'autre), on a vu plusieurs impacts de bombes sur le chemin de ferroviaire, sur la cimenterie, un hélicoptère russe en l’air et des champs brûlés (il s'agissait en fait des roquettes thermiques, leurres, lancées par les hélicoptères, pour dévier d’éventuels missiles sol air). Les frappes continuent, ciblées. Les Russes se sont installés, ont creusé des fossés. Ils patrouillent dans les villages aux alentours. La population est affolée car, avec l’armée russe, arrivent des milices paramilitaires qui pillent (cosaques, tchétchènes…). Quand on est arrivé à Gori (samedi), on a vu un long convoi routier militaire russe, composé de véhicules de toutes sortes (charges, engins de génie, camions citernes) qui fonçait dans l’autre sens, vers Tbilissi donc. L’ambassadeur de France a prévenu immédiatement par téléphone, Bernard Kouchner et l’Elysée qu’il a eu en direct, pour les informer. Quand nous sommes retournés, quelques heures plus tard, nous n’avons plus vu ce convoi. Il n’a pas pu se disperser dans la nature, vu le nombre, je pense qu’il a bifurqué vers l’Ossétie du nord.

Que cherchent les Russes selon vous ? Il y a une réelle volonté des Russes de détruire l’infrastructure, de faire peur, de faire pression sur la population, de casser le moral des Géorgiens, en disant que la communauté internationale ne fait rien pour eux.

Et la réaction de la population ? Dans les villages, ils sont affolés, apeurés. A Tbilissi, cependant les gens restent calmes et déterminés, prêts à prendre les armes s'il faut pour défendre leur pays.

Ce qui est arrivé est une surprise pour vous ? Non. Au Parlement européen, on avait tiré la sonnette d’alarme très tôt. Depuis des mois, on disait qu’il fallait revoir les conditions militaires sur place, qu'avec des Russes en forces maintien de la paix, ce n'était pas tenable, qu'il y avait des afrontemements permanents. Nous le disions en mai dernier : il faut envoyer des forces de paix européennes. Le 15 juillet encore, j’avais apostrophé Bernard Kouchner sur le sujet, on voyait bien que le conflit armé était proche. Personne n’a voulu entendre ce message.

Cependant l’UE est intervenue ? Oui effectivement. Et il faut bien dire qu'on a été les seuls. C’est Sarkozy au nom de l'Union européenne qui a négocié en direct. Les Géorgiens sont d'ailleurs assez déçus de l’attitude des Américains qui n'étaient pas présents dans ces heures là. L'Union européene l'était… Mais l’Europe n’a pas saisi toute la gravité de la situation et la nouvelle atitude de la Russie, à temps. Maintenant il ne faut pas traîner...

Que faut-il ? Il faut un retrait immédiait des Russes qui n’ont rien à faire là où ils sont en plein territoire géorgien, à plusieurs dizaines de kilomètres de l’Ossétie, il faut renforcer les observateurs, ceux de l’Osce, mais aussi que les média, afin de ne pas laisser les Géorgiens seuls. Il faut que des parlementaires européens soient là. Elmar Brok (eurodéputé allemand) arrive mardi pour me relayer (1). Et il faut ensuite négocier rapidement un nouveau format des forces de maintien de la paix. On ne peut pas laisser les Russes et les Géorgiens face à face.

(entretien réalisé par téléphone le 16 août au soir)
Crédit photo : www.maib.info

NB : la commission des Affaires Etrangères et la sous-commission défense du Parlement européen tiendront une réunion exceptionnelle d'urgence sur la situation en Géorgie, mercredi 20 août.

(1) Information confirmée officiellement au Parlement européen le 18 août, il ira en compagnie du député autrichien, chrétien démocrate lui aussi, Othmar Karas.
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15 août 2008 5 15 /08 /août /2008 23:44
La guerre médiatique ne connaît pas de jour férié. C'est donc un 15 aout à 15 h dans les locaux de l'agence de presse Novosti, que l'ambassadeur de Russie à l'Otan, Vladimir Rogozine, accompagné du représentant militaire, a tenu à briefer la presse internationale sur la situation, vue du coté russe (autant dire qu'à la date dite, nous n'étions pas nombreux autour de la table !). Un beau morceau d'anthologie mêlant le propos diplomatique et la langue de bois la plus traditionnelle, à de larges digressions sur l'histoire de la Géorgie, de la Russie. Quand on fait le tri, voici ce qu'il en reste.
Un point me semble important : il se montre d'accord avec la présence d'une force de maintien de la paix, d'observateurs, "y compris militaires" de l'Union européenne. Une avancée quand on sait que - jusqu'ici - les Russes ont toujours refusé aux Géorgiens le soin de modiier le format des forces de maintien de la paix


L'usage de la force par les Russes : proportionné. L'usage de la force n’était pas disproprtionné comme on l’a dit. Au contraire, il était très proportionné. Quand l’Otan a utilisé la force de la Yougoslavie, comme elle l'a fait, en détruisant certains objectifs comme la télévision (à Belgrade) elle ne peut blamer aujourd’hui d’utiliser la force. Et aucun pays de l'Otan n'avait de citoyens au Kosovo comme à Belgrade. Il est aussi impossible de défendre l’indépendance du Kosovo et de proclamer l’intégrité de la Géorgie après ce qui s’est passé en Abkhazie et Ossétie.

L'accord de cessez-le-feu est respecté. Nous respectons complètement l'accord conclu après la visite du président Français. Maintenant l'urgent est de résoudre les problèmes humanitaires, puis de favoriser la reconstruction. L'aide arrive par les canaux officiels (de l'Agence russe d'urgence). Et des procédures spéciales (pour accélérer les formalités en douanes) ont été faites pour les Ongs ou les personnes privées, nous leur demandons de passer par ce canal. (...) Il n'y a pas eu destruction ou de pillage. J'ai de sérieux doutes sur certaines images vues à la télévision. Certaines destructions sont de la pure propagande ou à des images d'autres lieux.

Sur l'accès à Gori. Toute l’aide arrivée à Gori avait une origine russe.  (...) La Croix-Rouge a accès à tout, car elle est impartiale. Plusieurs Ong travaillent aussi en NordOssétie. (...) J'espère que Thomas Hammarberg, commissaire aux Droits de l'homme du Conseil de l'Europe, puisse visiter la région.

Le sort de l'Abkhazie et de l'Ossétie : pas dans le même Etat qu'aujourd'hui. Je n’évoque pas le mot génocide uniquement pour des raisons d’émotion. Mais la question maintenant est de savoir si les Ossètes et les Abkhazes sont prêts à vivre dans le même Etat que Sakhachvili. Non...

Puis vint le temps des questions.

Et des forces de maintien de la paix ? "Pourquoi pas. Que ce soit l'Union européenne, l'Osce, l'Onu, nous sommes ouverts et prêts à toute éventualité, pour avoir davantage d’observateurs dans la région." Y compris des observateurs militaires ? "Oui pourquoi pas."

Sur un possible retour à la guerre froide ? "Il n’est plus possible d’avoir une politique de bloc dans le monde moderne. C'est impossible de considérer la structure de sécurité européenne si on a constritut avec un système de bloc obsolète."

Crédit photo : © NGV
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14 août 2008 4 14 /08 /août /2008 13:39
La présidence française de l'Union n'avait pas vraiment prévu de conclusions au départ pour le Conseil exceptionnel des Ministres des Affaires étrangères des 27, qui s'est déroulé le 13 août. L'objectif était plutôt de rendre compte des différents rendez-vous dans la région. Lors des réunions préparatoires, du Cops (comité de politique de sécurité) et du Coreper (ambassadeurs de l'UE), qui s'étaient déroulées la veille, le 12 août, les discussions n'avaient d'ailleurs pas pris comme base de conclusions communes. Mais la précipitation des évènements sur le terrain, ainsi que les nombreuses voix dissonantes qui se faisaient entendre au niveau européen ont changé la donne. C'est surtout l'accord obtenu des deux belligérants, à Moscou par Nicolas Sarkozy, et à Tbilissi par Bernard Kouchner sur six principes d'un cessez-le-feu (appelons principes plutôt que plan de paix) qui ont permis d'avoir un contenu à une déclaration commune. Rédigé dans la nuit et au petit matin par les diplomates français (aidés des Européens), un texte a ainsi pu être présenté au Conseil des ministres des Affaires étrangères réunis de façon exceptionnelle en ce plein mois d'août à Bruxelles.

Tout le monde était là (ou presque)
En plein mois d’août, la réunion extraordinaire des Ministres des Affaires étrangères, avait effectivement quelque chose de surréaliste. Dans des bâtiments déserts, pour cause de congé estival, tous les Ministres étaient là, ou presque. Seul l'Italien Frattini (qui avait préféré rester en vacances, aux Maldives) était absent (mais il était remplacé par son secrétaire d'Etat, Enzo Scotti, vieux routier de la démocratie chrétienne) ainsi que le Maltais. L'Irlande était représentée par son ministre du Développement, Peter Power. L'objectif était clair : avant tout montrer au public (aux belligérants et au reste du monde) un front uni européen (ou au moins un semblant d'unité).

Objectif : Faire taire les dissonances
Si le résultat – des conclusions « communes » - pourrait prêter à sourire, il ne faut pas s’y tromper. Ce texte de deux pages (télécharger ici) a au moins un mérite : non pas faire taire les différences de points de vue mais au moins faire baisser d’un ton les dissonances les plus criantes. Entre d’un coté, un ministre Britannique, David Milliband, qualifiant à l'entrée du Consil de « crime de guerre » l’action des Russes, les Baltes ou Polonais toujours prêts à en découdre (oralement) avec les Russes; et de l’autre coté, des Allemands ou Italiens prêts à passer l'éponge aux Russes, il y avait effectivement, à l’entrée de séance, un hiatus. Mais, hors des caméras, chacun s’est voulu plus conciliant. En fait, de nombreux coups de fils s'étaient échangés entre les principales capitales, notamment entre Paris et Berlin, pour aplanir les éventuelles difficultés. Comme l'avait expliqué le ministre des Affaires étrangères, Karel Schwarzenberg, avant son départ pour Bruxelles: "C’est un moment où l’Europe doit véritablement adopter une résolution commune. Il est absolument inutile que tous les pays affichent des positions différentes. Et Ursula Plasnik, ministre autrichienne, faisait un rappel au passé : "Nous n'avons pas intérêt à répéter la tragédie politique et humaine des Balkans dans le Caucase".
Une discussion plus facile que prévue
Chaque Ministre a bien entendu expliqué sa sensibilité du problème. Milliband a ainsi expliqué calmement la nécessite de respecter le droit international. Les Baltes ont demandé à ce que la ministre des Affaires étrangères géorgienne - qui traînait dans les couloirs du Conseil - soit reçue au Conseil (demande refusée, ce n'est "pas la coutume" (2) a répliqué Kouchner et ce serait aussi manqué à notre souci "d'impartialité"). Le Polonais Sikorsky a réitéré une demande de convocation d'un Sommet européen (chefs d'Etat et de gouvernement) exceptionnel, provoquant un silence de tous les membres de la salle (ce qui équivaut à un refus unanime). Mais la discussion sur le texte des conclusions a été "assez simple et facile", d'après un diplomate présent dans la salle. Et rapide également : trois heures de Conseil pour approuver des conclusions, c'est tout simplement, à 27, la possibilité pour chaque pays d'exprimer son point de vue et de demander quelques changements. Certains points qui figuraient en fin de texte ont ainsiété ramenés en tête (comme le rappel des principes de l'indépendance et de la souveraineté de la Géorgie). Une demande notamment de Milliband, le Britannique. D'autres ont été accentués. Comme la demande d'une mission internationale "rapide" (une demande belge particulièrement).

L'idiotie des Géorgiens, la brutalité des Russes
Plusieurs Ministres ont estimé que le jeu joué par le gouvernement géorgien était « idiot » comme l’a résumé le Belge Karel de Gucht. « Une vraie connerie » a précisé, en aparté, un autre. Mais la réaction « disproportionnée » des Russes et le « jeu dangereux » mené a été pareillement critiquée. C’est ce souci de l’équilibre qui a prévalu. En évitant de pointer trop un doigt accusateur vers les Russes. Pour Frans Timmermans, le secrétaire d’Etat néerlandais aux Affaires européennes, « il est inutile de se poser en accusateur ; il importe en premier lieu de mettre fin au conflit. Nous sommes en train d’éteindre l’incendie ». Dans le texte, les 27 rappellent ainsi, d'un coté, le « plein respect » de la souveraineté et de « l’intégrité territoriale » de la Géorgie, sans incriminer nommément les Russes. De l’autre, ils reprennent les six principes, agréés par les deux belligérants, lors de la mission de médiation menée sur place par Bernard Kouchner et Nicolas Sarkozy.

Une intervention européenne (limitée) sur le terrain
Les 27 se sont surtout montrés prêts à « s’engager » davantage pour soutenir la paix, « y compris sur le terrain ». Le format de cet engagement reste cependant très flou « Observateurs » ou « Contrôleurs », « peu importe le nom » a commenté Bernard Kouchner, lors de la conférence de la presse qui a suivi le conseil (écoutez la vidéo). De forces de maintien de la paix, il n'en est pas question pour l'instant, de même que l'intervention d'un des Battle group - la force de réaction rapide de l'Union européenne (1). Ma question a fait sourire et lever les yeux au ciel Kouchner. Trop tôt. "Une étape après l'autre" a expliqué Bernard Kouchner. "L’important est pas à pas d’arracher ce territoire à la guerre et de mettre fin aux atrocités (...) il faut que les troupes de chaque camp s’écartent, retournent dans leur baraquements ou repassent la frontière (pour les Russes). Il faut ensuite garantir le cessez-le-feu. Puis (on verra pour les) discussions politiques". Dans l'immédiat, il s'agirait donc davantage de "renforcer les corps des observateurs déjà présents dans la région. Ils ne sont pas en nombre suffisant" a expliqué Bernard Kouchner. "Ils sont actuellement au nombre de 200 et il en faudrait cent de plus", a précisé à la presse finlandaise Alexander Stubb, le ministre des Affaires étrangères finlandais (et président en exercice de l'OSCE).

Le renforcement du dispositif de l'UE dans la région
La dernière réunion du Comité politique et de sécurité de l'UE (3), fin juillet, avant la trêve estivale avait évoqué la Géorgie, et les risques croissants, et évoqué le renforcement du Représentant spécial de l'UE sur place, celui également de la délégation de la Commission, ainsi que les moyens du Sitcen (le centre de renseignements de l'UE) sur la région. Ces mesures pourraient être parmi les premières mesures mises en oeuvre.

Et maintenant.
Tout d'abord, il faut obtenir un mandat du Conseil de sécurité de l’Onu. « Le plus rapidement possible » espèrent les Européens. Un projet de résolution doit être présenté - sous présidence belge du conseil de sécurité - par les Français au nom de l'Union européenne.
Ensuite, les spécialistes européens doivent évaluer plusieurs pistes d’intervention (le travail a déjà commencé au Kortenberg, le batiment de l'Etat major de l'UE à Bruxelles). Ces pistes seront testées, discrètement et de façon informelle, auprès des belligérants, afin de s'assurer qu'elles sont possibles. Une réunion du Comité politique et de sécurité de l'UE (Cops) est programmée le 26 août sur le sujet.
Enfin, il reviendra aux Ministres des Affaires étrangères de se prononcer sur le format choisi. La réunion informelle (le gymnich), d'Avignon, les 5 et 6 septembre pourraient être l'occasion d'une première décision. A ce "gymnich", aussi, on devrait aborder la question de la conduite à tenir avec les Russes (des sanctions ou mesures de rétorsion comme le demandent les Britanniques et les Baltes surtout).

(1) C'est le Battle group franco-Allemand-Belgo-Espagnol qui est de permanence ce semestre (avec un autre groupe britannique)

(2) Ce qui est effectivement le cas. Ne participent au Conseil que les Etats-membres. Ce qui n'empêche pas la présidence de recevoir, en marge, du Conseil certains Ministres. ce qui a été le cas ici. La ministre géorgienne étant reçue par Solana et Kouchner.


(3) Le COPS, est composé des ambassadeurs des 27 spécialistes en matière de diplomatie et de défense. Il a vocation à préparer les dossiers les plus stratégiques ou confidentiels en matière d'action de défense de l'UE. C'est cette instance, par exemple, qui a donné le feu vert "diplomatique" aux dernières opérations européennes au Tchad ou au Kosovo.

Crédit photo : Conseil de l'Union européenne - Solana, Kouchner et Olli Rehn lors de la conférence de presse, le 13 août - Pfue, Kouchner (France) et Luís Amado (Portugal).

NB : une première mouture (plus succincte) de cet article est parue dans Ouest-France du 14 août.
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14 août 2008 4 14 /08 /août /2008 13:36
Après un aller et retour Tbilissi - Moscou - Tbilissi, par la mission de médiation française (et européenne), voici les six principes agréés par les deux parties (russes et géorgiennes) pour un cessez-le-feu en Géorgie - Ossétie - Abkhazie.
(1) Ne pas recourir à la force ;
(2) Cesser les hostilités de façon définitive ;
(3) Donner libre accès à l'aide humanitaire ;
(4) Les forces militaires géorgiennes devront se retirer dans leur lieu habituel de cantonnement ;
(5) Les forces militaires russes devront se retirer sur les lignes antérieures audéclenchement des hostilités. Dans l'attente d'un mécanisme international, les forces de paix russes mettront en oeuvre des mesures additionnelles de sécurité ;
(6) Ouverture de discussions internationales sur les modalités de sécurité et de stabilité en Abkhazie et en Ossétie du sud.

Commentaire : il ne faut pas s'y tromper le point 5 permet aux Russes (les forces de maintien de la paix) de rester en Abkhazie et en Ossétie du sud, voire de s'y renforcer.

Crédit photo : Pfue, Nicolas Sarkozy et Medvedev à Moscou
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14 août 2008 4 14 /08 /août /2008 10:58
(mises à jour 10, 12 et 14 août )

L'évacuation des citoyens européens de Géorgie commence... en ordre dispersé. Le ministre polonais des Affaires étrangères Radoslaw Sikorski a annoncé, samedi 9 août, l'évacuation "volontaire" des citoyens polonais du territoire de la Géorgie, en raison de la guerre qui s'est déclenchée avec la Russie et qui a pour enjeu l'Ossétie du Sud. Un avion gouvernemental a ainsi été envoyé dimanche, à Erevan, la capitale de l'Arménie proche. Il est revenu lundi matin à Varsovie avec 95 personnes à bord (dont huit citoyens tchèques). La République tchèque avait, en effet, demandé à la Pologne de l'aider à évacuer une dizaine de ses ressortissants. Un deuxième vol a été organisé. En tout, selon un bilan du ministère des Affaires étrangères, 206 Polonais ont été évacués via l'Arménie, les avions polonais ramenant également 26 Tchèques, 7 Estoniens et 6 Géorgiens.

De leur coté, les Britanniques ont conseillé à leurs ressortissants de quitter la Géorgie "tant que c'est possible - par voie aérienne - ou par la frontière". Sur les 160 Italiens, la plupart (110 environ) ont déjà été évacués, lundi, via l'Arménie voisine. La Slovaquie a affrêté également un avion du ministère de l'Intérieur, sur Erevan, lundi, afin de ramener ses citoyens - une douzaine avaient demandé à rentrer.

La plupart des lignes aériennes régulières (autrichienne, baltes, turque azeri...) ont, en effet, annoncé la suspension de leurs liaisons sur la Géorgie.

La France a cependant envoyé lundi 11 août à Tbilissi, un Airbus A340 de l'armée de l'air, avec 70 m3 de fret humanitaire (lits, tentes et couvertures). Il a rapatrié sur Paris, mardi matin 229 personnes (170 Français et des ressortissants de l'UE (allemands, autrichiens, belges, britanniques, espagnols) et autres (algériens, géorgiens et norvégiens). Une deuxième rotation a été effectuée mardi. Au total, 474 personnes ont été rapatriées en France, selon le ministère des Affaires étrangères : 315 Français, 71 Géorgiens, 69 citoyens de l'UE (16 Belges, 17 Espagnols, 14 Italiens, 11 Néerlandais, 4 Allemands, 3 Autrichiens, 3 Britanniques et 1 Danois), et d'autres nationalités : 1 Japonais, 1 Américain, 1 Bielorusse, 2 Trinidadiens, 1 Suisse, 2 Russes, 6 Néo-zélandais, 3 Mauriciens, 1 Algérienne, 1 Norvégien.

Les Allemands ont préféré assuré l'évacuation de leurs ressortissants à partir de l'Arménie. En tout "sept bus ont permis d'évacuer de Tiflis (Tbilissi) 382 personnes dont plusieurs étaient ressortissants d'autres pays de 'UE" assure Berlin. Les ambassades de l'UE à Erevan et à Tbilissi se coordonnant en effet pour permettre la prise en charge de tous les Européens (au titre de la protection consulaire européenne). Deux bus, avec un fanion allemand, avec une centaine de personnes à bord, allemands et d'autres nationalités européennes, sont ainsi arrivés à Erevan mardi matin. Un autre convoi de 162 personnes a suivi dans la nuit de mardi à mercredi a aussi été pris en charge. L'ambassade allemande à Erevan assure, ainsi, la protection consulaire pour les citoyens d'Autriche, du Danemark, de Suède et du Bénélux. Mercredi matin, un appareil de la Lufthansa, affrêté spécialement, a permis de rapatrier sur Münich, 212 personnes.

En février dernier, l'Etat major de l'UE avait étudié un concept commun militaire d'évacuation de leurs ressortissants. Même si "ce sont les Etats membres qui sont avant tout responsables de la protection et de l’évacuation de leurs citoyens", il peut être utile - indiquait le document - de voir comment "dans certaines circonstances, ils peuvent recourir à l’Union européenne". Et ce "concept" détaillait les moyens matériels, humains et juridiques à mettre en oeuvre. Pour le cas géorgien-ossète, ce concept n'a pas vraiment été mis en oeuvre, chaque pays définissant sa propre politique d'évacuation.

Crédit photo : Ministère Français de la défense (Airbus A340 sur le tarmac de l'aéroport de Tbilissi) et Ministère allemande des Affaires étrangères (accueil à Erevan).
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13 août 2008 3 13 /08 /août /2008 13:55
Tandis que l'Union européenne (réunie ce mercredi en Conseil exceptionnel des Ministres des Affaires étrangères) et, particulièrement, le français Bernard Kouchner évoquent la possibilité d'envoyer une mission d'observation et de contrôle de l'UE en Géorgie, on peut se demander dans quelle mesure ces contrôleurs auront plus de pouvoir et de liberté d'action que n'en avait sur le terrain, aujourd'hui encore, la Mission d’observation des Nations Unies en Géorgie (MONUG) jusqu'ici. Il suffit de lire le dernier rapport du secrétaire général de l'Onu, publié fin juillet, sur la situation en Abkhazie (partie du territoire géorgien qui a fait sécession et s'est proclamée indépendante) pour percevoir toute la difficulté d'une telle mission.

NB : Dirigée par le général pakestinais, Niaz Muhammad Khan Khattak, la MONUG comptait (au 14 juillet) 130 observateurs militaires - dont une cinquantaine provenant d'Etats membres de l'Union européenne (1).

Les positions des parties irréconciliables.
Ce rapport avait recensé, dans les dernières semaines, une "détérioration considérable de la situation sur le terrain, à la fois sur le plan politique et en termes de sécurité", rendant compte de violations du cessez-le-feu, tant coté russe ou abkhaze que géorgien. Et, politiquement, les points de vue étaient toujours aussi irréconciables. Les Abkhazes demandaient le retrait des forces géorgiennes de la haute vallée de la Kodori et la signature d’un document sur la non-reprise des hostilités en préalable. Les Géorgiens soulignaient la nécessité de modifier le format des négociations et des forces de maintien de la paix, en donnant un rôle à l’Union européenne et à l' OSCE.

Le renforcement des effectifs
 Fin avril, la Fédération de Russie avait ainsi renforcé la force de maintien de la paix de la CEI, par "l’introduction de personnel et de matériel militaire dans la zone du conflit" notamment un bataillon aéroporté de 525 hommes stationné hommes, chargé d’accroître la surveillance de la zone d’armements limités dans les zones de Tkvartcheli et Otchamtchira ainsi que 20 hommes rattachés à des bataillons existants de la force de maintien de la paix de la CEI, déployés dans la région en dessous de Gali". Parallèlement, la Monug avait "vu sa liberté de mouvement restreinte à plusieurs occasions par la milice de facto" (abkhaze). Dans la haute vallée de la Kodori (contrôlée par les Géorgiens), la mission avait constaté la "construction de nouvelles infrastructures, notamment un réseau routier, des habitations, une installation logistique et des cuves de carburant", qui paraissait supérieur aux besoins

Des survols d'avion
 La Monug avait recensé aussi plusieurs incidents et violations du cessez-le feu, tant du coté russo-abkhaze que géorgien, notamment plusieurs survols d'avions. "La Mission a pu vérifier cinq vols de drones géorgiens au-dessus du territoire sous contrôle abkhaze, les 18 mars, 20 avril, 4 mai, 8 mai et 12 mai 2008". Les Abkhazes avaient annoncé avoir abattu sept drones. Les Géorgiens avaient commencé par nier leur présence puis fini par reconnaître "avoir perdu trois drones au total". Le fait qu'un des drones abattus, le 20 avril, l'ait été par les forces russes constitue aussi "une violation du cessez-le-feu" (...) "Le 17 mai, on a vu deux avions de combat pénétrer dans la zone d’armement limité au-dessus de la zone d’entraînement de Senaki".  etc.

Explosions en série
 Signe de tension supplémentaire: le "bombardement aveugle d’espaces publics à Gagra, Soukhoumi et à Gali". A Gali, dans la zone relevant de la responsabilité de la MONUG, survient le 6 juillet "l'incident le plus grave jamais observé ces dernières années" : une explosion dans un café de Gali près du quartier général du secteur de la MONUG, fait 1 mort et 1 blessé dans les rangs de la Monug (des assistants linguistiques).

(1) 12 Allemands, 3 Autrichiens, 5 danois, 3 Français, 4 Grecs,  7 Hongrois, 2 Lituaniens, 2 Polonais , 5 Tchèques, 2 Roumains , 5 Britanniques, 3 Suédois.

Crédit photos : Unmomig
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8 mai 2008 4 08 /05 /mai /2008 20:00
« L’UE devrait envisager d’envoyer une mission de stabilisation au titre de la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) », a souligné Jacek Saryusz-Wolski, au nom du groupe des Chrétiens démocrates (PO / PPE-DE), lors d’une discussion en session plénière du Parlement européen, le 7 mai. Une demande suivie par certains groupes (ADLE), mais pas par tous. La Russie « viole les accords existants et l’intégrité territoriale de la Géorgie et sape les efforts de paix internationaux », estime Saryusz-Wolski qui a appelé les forces de l’ONU sur le terrain à devenir une « véritable force de paix internationale ». Il a invité le Conseil de l’UE à envisager une mission d’évaluation au titre de la PESD le plus rapidement possible en Abkhazie. « L’UE ne doit pas seulement être un bailleur de fonds mais se poser en véritable acteur », a-t-il ajouté. Fustigeant l’effet déstabilisateur des troupes russes, le letton Georgs Andrejevs (Libéral et démocrate, ADLE) a approuvé ce point de vue et l’idée de l’envoi de troupes placées sous la supervision de l’UE. Mais il a aussi appelé le gouvernement géorgien à mettre en place un « climat démocratique » pour les prochaines élections. « Les instances administratives de Géorgie n’ont pas fait tout pour convaincre qu’elles ont pris en compte les préoccupations du scrutin précédent ».

La pseudo mission de « maintien de la paix » actuelle de la Russie a été largement critiquée. « Cette mission (qui) occupe le territoire au nom de la paix, est intenable », souligne Hannes Swoboda (Socialiste, Autriche). « Rien ne justifiait l’envoi de militaires supplémentaires (russes) », a complété Marie-Anne Isler Béguin (Verts, France). « La situation est proche de l’annexion, il n’y a pas de confiance pour reconstruire, le dialogue a été rompu pendant deux ans ». Et celle qui est aussi présidente de la délégation du PE pour le Caucase de s’interroger sur la responsabilité de l’UE pour « arrêter cette escalade de la violence ». Elle propose aussi que des forces de maintien de la paix émanant de la communauté internationale soient déployées en Abkhazie. Konrad Szymanski (souverainiste, PIS - UEN, Pologne) a particulièrement critiqué le veto de certains Etats à l’adhésion de la Géorgie qui a peut-être encouragé, selon lui, la Russie dans sa position. Il a proposé l’organisation d’une « réunion du Conseil de sécurité de l’ONU et de l’OSCE, ainsi que l’envoi d’une mission parlementaire dans cette région ».

Chez Solana, on botte en touche...
Au Conseil de l'Union européenne, chez le Haut représentant, Javier Solana, on rappelle que l’envoi de troupes européennes relève « avant tout de la compétence des Etats membres. (...) Et pour l’instant, aucune discussion n’a eu lieu ni n’est prévue sur ce sujet entre ambassadeurs ».

A noter que la Géorgie a dernièrement exprimé publiquement la volonté du déploiement d’une mission de la PESD dans la région. Une résolution devait être votée sur la situation en Géorgie à la session plénière du Parlement européen de juin.
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26 avril 2008 6 26 /04 /avril /2008 14:02
Chef de la mission Eubam, Général major de la police hongroise, Ferenc Banfi a occupé dans le passé plusieurs postes dans des projets et agences pour le renforcement du droit international, notamment dans l'initiative régionale du Sud-Est européen pour combattre le crime organisé (Seci center) après avoir gravi tous les échelons de la police hongroise (il y a commencé comme sergent).

• Quels sont les principaux challenges de votre mission ?
Il s’agit de contribuer à bâtir une capacité d’action, de changer la culture institutionnelle et la mentalité au sein des services. Ce qui n’est pas toujours évident. Parfois leurs circuits sont trop centralisés. Il faut passer d’un format militaire à un service civil.

• Comment voyez-vous l’évolution à terme ?
Il y a une nouvelle génération qui a grandi de chaque coté de la « frontière » : qui n’a jamais connu autre chose que la Transnistrie, d’un coté, ou a toujours connu la Moldavie sans la Transnistrie, de l’autre. Cela peut à terme un nouveau climat, une nouvelle situation. La pression du temps ne joue donc pas en notre faveur. Après 20-30 ans, de cette situation, il sera difficile de revenir en arrière, de réunifier les deux parties. Il faut agir maintenant. En 2009, le panorama politique peut changer. Et Moscou qui a reconnu l’intégrité territoriale de la Moldavie n’a plus vraiment besoin de l'indépendance de la Transnistrie.

• Que peuvent faire les Européens ?
On ne peut pas souffler et faire la Moldavie merveilleuse en 15 jours. Mais il est possible, peu à peu, de la rendre plus démocratique, de renforcer ses structures. En ce sens, l'UE peut faire beaucoup, notamment pour éliminer les différences entre les différents pays de la région et les réintégrer au marché. Si Chisinau n’est pas attractif, il n’y a aucun intérêt pour la Transnistrie de la rejoindre.

• La mission joue un rôle selon vous ?
Oui. C’est évident que face à des militaires (7000 en Moldavie et au moins autant en Transnistrie), on ne fait pas le poids militairement. Mais, de par notre simple présence, il y a une influence psychologique. D’une certaine façon, on fait contrepoids à la présence russe.

• Donc, il faut ne pas interrompre cette mission Eubam ?
Oui c’est important. Même si le conflit transnistrien n’est pas très visible et très peu perçu au niveau européen — car il n’y a pas de sang, de sensation, donc peu d'intérêt — notre mission joue un rôle important dans la stabilisation de toute la région.

Entretien paru dans Europolitique
Crédit photo : © NGV
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26 avril 2008 6 26 /04 /avril /2008 00:08
La frontière de Palanca, entre la Moldavie et l’Ukraine. Un espace de no man’s land, coincé entre deux parties de l’Ukraine. Mais bien deux postes: un poste ukrainien et, deux-trois kilomètres plus loin, un poste moldave. Résultat: un trou noir, petit certes, mais une faille dans le contrôle des frontières. On sort d’Ukraine avec un bout de papier de transit valable pour quelques minutes avant de retrouver une autre partie de l’Ukraine quelques kilomètres plus loin. Enfin normalement. Car rien n'empêche de « tourner à gauche et de se retrouver en Moldavie » précise un connaisseur. Malgré toutes leurs préconisations, les Européens n’ont pas encore réussi à obtenir un poste de contrôle conjoint. « Cela me rappelle mes débuts, quand j’étais sur la frontière entre l’Italie et la France (l’accord Schengen n’était pas alors en vigueur) quand nous nous « querellions » avec nos homologues italiens » raconte, sourire aux lèvres, Jean-Pierre Albarelli, un ancien de la police de l’Air et des frontières (française), responsable de la zone. « Nous ne sommes pas là pour nous substituer aux douanes de ces deux pays. Cela reste de leur responsabilité » précise Udo Brukholder, directeur-adjoint de l’Eubam.

Le passé pèse. « Ce n’est pas évident. On passe d’un concept de militaires qui gardent la frontière en empêchant le passage à des douaniers civils qui doivent faciliter la circulation, en détectant les « mauvais », donc en utilisant davantage la coopération et le profiling » explique J.-P. Albarelli. « Les Ukrainiens et Moldaves sont de bons professionnels, aguerris. Mais, il y a, par exemple, une obsession du secret, une « secret mania ». Certaines informations sont parfois délicates à obtenir, d’autres sont quasiment top secret, même les plus simples, comme un simple plan de patrouilles par exemple ». Les premiers experts européens ont d’ailleurs été un peu pris pour des espions. Et les premiers temps de travail en commun n’ont pas été faciles.

Au fil du temps, cependant... les conseils, les recommandations, l’expérience des douaniers européens sont appréciés et « généralement suivis ». Il faut un peu de temps pour que la chaîne hiérarchique suive. Mais les responsables des deux pays sont assis régulièrement, autour d’une même table pour résoudre les différents problèmes. « Cela facilite indéniablement les rapports » souligne Albarelli. La formation des personnels, l’utilisation de méthodes modernes — le ciblage des personnes arrêtées — entrent dans les moeurs, peu à peu.

Il reste cependant de nombreux manques structurels. Les douaniers locaux n’ont ainsi pas l’habitude de travailler en infiltration. Seul le personnel de l’ancien KGB utilise ce type de méthodes. Mais il ne travaille pas aux frontières. La contrebande est aussi un « sport national ». Une contrebande facilitée par l’absence de délimitation précise des frontières, explique Ferenc Banfi, le chef de l’Eubam. « Les criminels, pris en flagrant délit, sont bien organisés. Aidés de bons avocats, ils ont beau jeu devant la justice, de se défendre d’avoir franchi la frontière ». Quant à la lutte contre la corruption, le « Zéro tolérance » est parfois apprécié de façon "souple" (1). Ainsi lorsque plusieurs agents ukrainiens ont été soupçonnés, les autorités ont répondu à l’Eubam que les agents avaient été « neutralisés ». Ce qui veut dire, tout simplement déplacés dans un autre lieu...

Le travail de tous les jours est rendu d’autant plus difficile par la situation en Transnistrie. L’Eubam évite tout contact officiel pour éviter de se faire piéger par les autorités sécessionnistes. Mais il semble bien qu’une partie du transit entre l’Ukraine passe par cette république autoproclamée. Or, sur toute une partie de la frontière, les douaniers ukrainiens sont seuls, sans vis-à-vis moldaves. Et le « trafic de certaines marchandises semble bénéficier de solides appuis de part et d’autre de la frontière » confie un douanier. Le trafic de poulets est révélateur. En Ukraine, il faut 900 euros la tonne, 140 euros via la Transnistrie. Une différence de près de 700 euros, c'est bien tentant ! Au regard des statistiques, les Transnistriens sont ainsi devenus les plus gros mangeurs de poulet d’Europe (10 fois plus qu'un Européen moyen) ! Mais l’affaire a couté 42 millions d’euros au budget ukrainien.

Le soupçon a longtemps pesé sur cette longue bande de terre, la Transnistrie, d’être une plaque tournante de tous les trafics possibles : drogue, armes, êtres humains …L’est de la Moldavie – sa partie transnistrienne - était effectivement spécialisée, sous l’Union soviétique, dans la production d’armes, légères essentiellement (mortiers, kalachnikovs) et parties de missiles. Onze installations permettant de produire des armes ainsi ont été recensées. Et, selon les spécialistes, il restait 20 tonnes de munitions dont on ne connaît pas bien l’usage ni la destination.
Mais l’Eubam n’a jamais détecté de trafic d’armes. Et l’Osce – présente dans la région — n’a aucune preuve de ce qui a pu être exporté. Cependant, il reste très difficile de contrôler ce qui est présent. Dix missiles ont ainsi mystérieusement disparu. Les Transnistriens ont affirmé qu’il s’agissait d’un "dégât des eaux". Mais il n’y a jamais eu de preuve tangible de cette « disparition ». S’il y a une liberté de mouvement des contrôleurs internationaux de l'OSCE, ceux-ci ne peuvent également pas s’approcher librement des dépôts de munitions par exemple. Ceux-ci sont étroitement surveillés. Et les inspections inopinées ne sont pas possibles. Le dernier contrôle in situ a donc eu lieu en 2006. Et depuis, l’Osce ne veut plus y aller pour ne pas donner une caution à un régime contesté. « Parler de trafic d’armes relève plutôt du fantasme – souligne un douanier européen - on fantasme beaucoup d'ailleurs sur la Moldavie. Personnellement, je n’ai pas vu d’armes mais des poulets oui » ironise-t-il.

En revanche, il semble certain que le territoire s’est focalisé sur certains marchés lucratifs, comme la cigarette. A voir le prix, dérisoire comparé aux autres Européens, affiché dans les boutiques, entre 2 et 7 roubles pour les marques occidentales (Winston, Lucky Strike, Camel), soit 15 à 50 cents —, il y a de quoi alimenter un trafic. Il existe en effet des fabriques illégales de cigarettes à Tiraspol. Une entreprise ayant fait faillite en Bulgarie, les Transnistriens ont récupéré les machines et la force de travail. Les cigarettes circulent ensuite d’Ukraine vers l'UE (dans les saisies de cigarettes, ce pays occupe le second rang).

En fait, toute la région – Transnistrie, Moldavie et Ukraine – se retrouve au confluent des nouvelles routes choisies par les contrebandiers. « La drogue qui provient d’Afghanistan essentiellement – mais aussi d’Iran — arrivait normalement vers la Macédoine, la Serbie, le Kosovo, le Monténégro (route des Balkans) », raconte un douanier. Là les mafias kosovares comme serbes se « partageaient » les marchés. « Depuis que les polices ont augmenté leur activité dans cette région — en partie avec les encouragements et les financements européens —, « les criminels ont mis en place d’autres routes, jugée plus sûres pour eux. Une passe par le Nord (Azerbaïdjan, Géorgie, Russie, Ukraine, Ce), l’autre par le sud (Géorgie, Chypre, Odessa, Russie et la CE). Et les modus operandi des trafiquants sont de plus en plus sophistiqués. "Les criminels sont très intelligents et utilisent toutes les technologies "high tech" précise un douanier européen. Ainsi "la cocaïne est parfois introduite à l’intérieur des fruits (une saisie a eu lieu de ce type à Odessa) ou dissous dans les bouteilles de vins (une saisie a eu lieu à Chisinau). Une nouvelle technique, encore plus subtile, consiste même à imprégner des tissus (tee-shirts, tapis) dans la cocaïne — autant dire invisible — puis ensuite par un traitement spécial, à récupérer la matière première..."

(1) Selon le baromètre 2007 de l’ONG Transparency international, 30% des personnes interrogées en Moldavie disent avoir payé un pot de vin pour un service administratif.

Crédit Photo : © Ngv
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logo_ouestfrancefr.pngL'éditeur : Nicolas Gros-Verheyde. Journaliste, correspondant "Affaires européennes" du premier quotidien régional français Ouest-France après avoir été celui de France-Soir. Spécialiste "défense-sécurité". Quelques détails bios et sources.