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28 janvier 2009 3 28 /01 /janvier /2009 14:56

Est-ce une pure stratégie de politique interne, l'évolution d'une pensée politique... ? En tout cas l'interview donnée par le leader du parti d'opposition conservateur polonais (PIS), Jaroslaw Kaczyński est très intéressante. Le jumeau du Président - dont on dit qu'il est le plus "politique" des deux - et ancien Premier ministre (qu'on disait eurosceptique) se révèle être un des plus audacieux fédéralistes qui soit. « Il faut que l’UE devrait devenir un sujet réel » explique-t-il lors d'une interview avec des collègues du quotidien Rzeczpospolita. « Pour que ce vœu se réalise, elle devrait disposer d’une force réelle dans la politique internationale, d’une force militaire réelle. L’UE devrait créer une armée  au moins comparable à celle des Etats-Unis. Cela signifierait qu’elle dépenserait pour sa défense au moins 2,5% du PIB.»

Un Président européen élu pour 9 ans, non renouvelable, digne de rivaliser avec les USA car disposant du pouvoir de la force armée. Qui déciderait du commandement de cette armée, demande mon confrère : « L’UE devrait créer un centre de commandement doté de compétences étroites, mais très fortes. Nous devrions élire pour une seule mission, mais très longue (9 ans environ) le Président de l’UE, qui créerait un centre de direction politique. Il devrait être indépendant des centres nationaux. Il devrait représenter, au moins dans un premier temps, un pays européen de moindre importance.» Qui serait cet heureux élu ? Le président du PIS cite « un Portugais, un Suédois ou un Hongrois ». Ce président devrait non pas être automatiquement élu mais choisi par consensus. Et Kaczyński d'ajouter «S'il avait le pouvoir de prendre des décisions telles que l'utilisation éventuelle des forces armées, cela serait faire de l'Europe une superpuissance comparable aux États-Unis. »

 

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27 janvier 2009 2 27 /01 /janvier /2009 22:05
L'Otan "ce n'est pas pour moi". C'est en ces termes que le ministre polonais des affaires étrangères Radek Sikorski a démenti, à Bruxelles (en marge du conseil de l'Union européenne) une éventuelle candidature à l'Otan, selon nos confrères polonais. Candidature pourtant justifiée si on en croit les médias polonais et britanniques (le Daily Telegraph s'est d'ailleurs fendu récemment d'un long plaidoyer en sa faveur). Le Ministre, lui-même, y croit. Puisqu'il a expliqué que dix ans après l'entrée de nouveaux Etats membres de l'est de l'Europe, une candidature venue d'un de ces pays serait positif du point de vue de «l'équilibre de la politique d'alliance" et la sécurité de la région. L'homme jouit d'une excellente cote au Royaume-Uni (Réfugié au Royaume-Uni durant l'Etat de guerre en 1982, il a la citoyenneté britannique et a été envoyé spécial en Afghanistan du Telegraph du temps de l'intervention soviétique). Et dans l'opinion publique polonaise, il obtient 60% de satisfaction juste derrière Lech Walesa et avant l'actuel Premier ministre Donald Tusk, selon un récent sondage publié dans Gazeta Wyborsza. Personnellement, malgré l'excellence et l'intelligence du candidat, ce serait une "petite" provocation vis-à-vis de la Russie. Et que ce genre de gestes n'est peut-être pas le genre que Washington - et les autres Européens - veulent endosser actuellement, à l'heure où on tente de mettre un peu de baume sur les blessures récentes...
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26 janvier 2009 1 26 /01 /janvier /2009 07:00
C'était au moment des négociations entre l'Autriche, la Suède, la Norvège et la Finlande, dans le dernier round des négociations, en 1994, il y a quinze ans maintenant, Jacques Delors - alors président de la Commission européenne - raconte - dans ses mémoires (*) -, comment les nouveaux adhérents considéraient la PESC... « Excédé par les relances revendicatives des Autrichiens et des Suédois, je leur avais demandé s'ils adhéraient bien à tout le traité, y compris la politique extérieure et de sécurité commune. J'avais eu droit à un sourire narquois de mes interlocuteurs et à cette réplique : “Monsieur Delors, revenons à nos affaires et parlons business". » « Je ne cite cette remarque et cet épisode que pour montrer la taille des obstacles qui se dressent sur la route d'une convergence, même partielle, de la politique étrangère.» poursuit l'homme politique français.

On peut observer qu'aujourd'hui ces trois pays - Autriche, Suède, Finlande - sont sinon les plus grands militants de la politique étrangère de l'UE et de l'Europe de la Défense, du moins des contributeurs notables. Sans eux, l'opération militaire au Tchad aurait sinon été impossible du moins plus difficile à monter. Et sur la crise à Gaza, et le conflit du Proche-Orient, ces trois pays apportent aujourd'hui un apport notable diplomatique (cf. déclaration de Carl Bildt).

Comme quoi, il ne faut jamais désespérer de certains Etats européens par exemple de la présidence actuel. Les réticents d'hier sont les enthousiastes d'aujourd'hui... Alors demain, la république Tchèque - aujourd'hui plutôt rétive (le mot est faible) à la politique étrangère et à la défense européenne - en sera (peut-être) demain un ardent supporter... du moins après cette présidence. Personnellement j'en suis convaincu (**). Un ambassadeur auprès de l'UE me disait encore récemment "c'est un des bienfaits des présidences tournantes. Je ne sais pas si les supprimer est vraiment une bonne idée".

(*) Jacques Delors, "Mémoires", éditions Plon, janvier 2004, 25 euros.
(**) En 2002, j'avais publié une libre opinion dans mon quotidien de l'époque, France-Soir, pour aller contre certaines idées préconçues.
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21 janvier 2009 3 21 /01 /janvier /2009 09:35
Certains experts des relations US-UE, certains augures, nous enjoignent de nous méfier de tout optimisme face à Obama, que l'Amérique risque de ne pas changer comme nous l'espérons (*). Peut-être ont-ils raison... Cependant le discours d'inauguration qu'a prononcé le 44e président des Etats-Unis hier, est à la hauteur de nos espérances. Ce changement de ton, profond, met fin à une période noire - qui a duré presque 20 ans, depuis l'ère Reagan, les Bush père et fils (parenthèse Clinton exceptée). La fin d'une génération en quelque sorte, marquée par ce qu'il faut appeler un certain "obscurantisme".

Certes ce n'est qu'une tonalité. Mais le ton en politique et en diplomatie importe parfois tout autant que les actions. Alors goûtons notre plaisir... Et peu importe s'il sera déçu demain ! En tout cas, si les 4 prochaines années sont à l'aune de ces premières paroles, nous ne pourrons pas regretter notre enthousiasme d'aujourd'hui. Sur
l'usage retenu du pouvoir, le modèle américain, la négociation sur le nucléaire (iranien), la guerre contre le terrorisme, les relations avec les alliés, la Russie ("nos anciens ennemis") et le monde musulman, il y a une main tendue qu'on ne peut que saluer... et serrer.

La foi dans les droits de l'homme. "(Pour notre) défense commune, nous rejetons comme faux le choix entre notre sécurité et nos idéaux. Nos pères fondateurs, face aux dangers, ont rédigé une charte pour garantir la primauté du droit et les droits de l'homme, une charte élargie par le sang des générations. Ces idéaux sont toujours la lumière du monde, et nous n'allons pas y renoncer, pour le plaisir d'une opportunité."

Le pouvoir s'utilise avec humilité. "Les générations précédentes ont eu à faire face au fascisme et le communisme, non seulement avec des missiles et des chars, mais avec des alliances solides et des convictions durables. Ils ont compris que notre seul pouvoir ne peut pas nous protéger, pas plus qu'il ne nous autorise à faire comme il nous plaît. Ils savaient que notre pouvoir augmente par son utilisation prudente; notre sécurité émane de la justesse de notre cause, la force de notre exemple, les qualités d'humilité et de retenue."

La nécessité d'alliances face aux menaces (nucléaire, changements climatiques, terrorisme). "(...) Guidés par ces principes, nous pouvons répondre à ces nouvelles menaces qui demandent encore plus d'efforts - et même une plus grande coopération et la compréhension entre les nations. Nous allons commencer à laisser la responsabilité de l'Irak à son peuple, et à forger une paix durement gagnée en Afghanistan. Avec de vieux amis et d'anciens ennemis, nous travaillerons sans relâche à réduire la menace nucléaire, et faire reculer le spectre d'un réchauffement de la planète."

Pour autant il ne renonce pas à la lutte. "Nous n'avons pas à nous excuser de notre mode de vie, tout comme nous ne faiblirons dans sa défense. Et pour ceux qui cherchent à faire aboutir leurs objectifs en provoquant la terreur et le massacre des innocents, nous vous le disons maintenant : notre esprit est plus fort (qu'auparavant) et ne peut pas être brisé; vous ne pouvez pas survivre à nous, et nous allons vous battre."

Un appel aux musulmans mais un avertissement aux dictatures.
"Pour le monde musulman, nous cherchons une nouvelle voie à suivre, basée sur l'intérêt mutuel et le respect mutuel. Pour les dirigeants du monde entier qui cherchent à semer le conflit, ou à rejeter tous les maux de leur société sur l'Ouest - sachez que votre peuple vous jugera sur ce que vous pouvez construire, non pas sur ce que vous détruisez. Pour ceux qui s'accrochent au pouvoir par la corruption et la tromperie et le musellement de l'opposition, vous devez savoir que vous êtes du mauvais côté de l'histoire, mais que nous allons tendre la main si vous êtes prêt à desserrer votre poing."

"Le monde a changé et nous devons changer"
...

Ecoutez le discours d'inauguration

(*) Voir notamment Álvaro de Vasconcelos et Marcin Zaborowski qui ont rédigé en novembre dernier pour l'Institut de sécurité de l'Union européenne, une étude dénommé "European perspectives on the new American foreign policy". Télécharger ici.
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20 janvier 2009 2 20 /01 /janvier /2009 17:00
Dans un article publié dans plusieurs journaux européens, dans le cadre de Project syndicate, l'ancien ministre allemand des Affaires étrangères (Vert), Joschka Fischer, propose d'associer davantage la Russie à la défense européenne, voire d'élargir l'Otan à la Russie : "Pourquoi ne pas envisager de transformer l’Otan en un véritable système de sécurité européen qui englobe la Russie? Les règles du jeu en seraient changées et toute une série de visées stratégiques pourraient être atteintes – sécurité européenne, conflits de voisinage, sécurité énergétique, réduction des armes, anti-prolifération, etc. Oui, une avancée comme celle-là pourrait transformer l’Otan. Mais elle pourrait transformer la Russie encore davantage." Bien entendu, ajoute-t-il, "cette approche suppose la présence de deux choses qui n’existent pas pour l’instant: une entente transatlantique vis-à-vis de la Russie, et une Union européenne qui agisse dans une plus grande concertation et qui soit par conséquent plus forte. Le défi que pose la Russie ne permet plus néanmoins de perpétuel ajournement. Les enjeux sont tout simplement trop grands."

Voici le texte complet de l'ancien ministre des Affaires étrangères de Gerhard Schröder (de 1998 à 2005) et chef de file des Verts en Allemagne durant presque 20 ans - reproduit avec l'aimable autorisation de Projet syndicate :

Cela fait 19 ans que se pose une question de stratégie que l’Ouest (l’Amérique et l’Europe) laisse sans réponse et qui est pourtant de première importance: quel statut la Russie post-soviétique a-t-elle face au monde et à l’ordre européen? Celui de partenaire difficile ou d’adversaire stratégique? Comment s’y prendre avec elle?

Toute la gravité de cette indécision est apparue particulièrement à l’occasion de la courte guerre de la Russie contre la Géorgie l’été dernier, et même à ce moment-là l’Ouest ne s’est pas prononcé clairement. A en croire la plupart des Européens de l’Est, le Royaume-Uni et l’administration Bush, il s’agirait d’un “adversaire stratégique.” Mais la plupart des Européens de l’Ouest préfèrent le voir comme un “partenaire difficile.” Aucune de ces deux conceptions, apparemment inconciliables, n’a fait l’objet d’un examen approfondi.

S’il faut voir la Russie comme un adversaire stratégique – ce que corroborent le rétablissement de la “Grande Russie” impérialiste, sous l’impulsion de Vladimir Poutine, et les entorses faites à l’état de droit, sur le front intérieur comme sur le front extérieur – l’Ouest a intérêt à revoir ses priorités du tout au tout.

Si la Russie n’est plus la super puissance qu’elle a été pendant l’ère soviétique, elle reste une grande puissance militaire, du moins en Europe et en Asie. Si l’on veut être en mesure de réagir aux nombreux conflits régionaux (Iran, Moyen Orient, Afghanistan/Pakistan, Asie centrale, Corée du Nord), ainsi qu’aux défis globaux (lutte contre le changement climatique, contrôle du désarmement, de l’armement et de la non-prolifération nucléaire, sécurité énergétique), qui figurent en première place des résolutions occidentales, il faut coopérer avec la Russie.

Un affrontement stratégique avec Moscou, c’est à dire le retour d’une “mini-guerre froide,” affaiblirait ces résolutions, ou du moins en compliquerait grandement la mise en œuvre. En conséquence, la question pourrait se résumer ainsi: la menace émanant de la Russie contraint-elle l’Occident à recourir à un changement de ligne stratégique? Je ne le pense pas.

Les aspirations et la politique de Poutine visant à élever la Russie au rang de puissance mondiale sont très vulnérables, structurellement. Et elles le sont plus encore à une période où les prix du pétrole tombent à moins de 40 dollars par baril. Et il en a conscience.

La croissance démographique en Russie dégringole de façon alarmante. Economiquement et socialement, elle est à la traîne. Ses infrastructures, comme ses subventions dans les secteurs de l’éducation et de la formation professionnelle, sont insuffisantes. Son économie repose essentiellement sur ses exportations d’énergie et de matières premières et ses efforts de modernisation dépendent en grande partie de l’Ouest, en particulier de l’Europe.

Toutefois, sa position géopolitique et son potentiel en Europe et en Asie en font une composante stratégique avec laquelle il faut compter. L’Ouest a donc tout intérêt à évoluer vers un partenariat stratégique avec ce pays. Mais cela suppose de la part de l’Ouest d’avoir une pensée à vue longue et une position de pouvoir ferme et décidée. En effet, tout signe de division et de faiblesse sera interprété par le Kremlin comme une incitation à revenir à sa politique à caractère impérial.

Il y a quelques mois, le gouvernement russe a échafaudé une proposition pour renégocier un nouvel ordre européen, dans le cadre de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. La Russie considère que les accords de 1990 étaient injustes, car ils se fondaient sur sa faiblesse d’alors et elle en demande la révision. L’objectif stratégique principal de Moscou est un affaiblissement ou même un repli de l’Otan, à hauteur d’une alliance militaire russe des ANT (armes nucléaires tactiques), et le rétablissement de ses zones d’influence en Europe de l’Est et en Asie centrale.

Mais Poutine commet ici une erreur grossière. Tous ces buts sont inacceptables pour l’Ouest et le Kremlin semble s’obstiner à ne pas comprendre que ce qui constitue le gage le plus sûr de l’existence de l’Otan a toujours été, est et continuera d’être la politique étrangère agressive de la Russie.

Dans l’ancienne patrie du marxisme-léninisme, les dirigeants n’ont toujours pas l’air d’être des familiers de la dialectique. Après tout, si le gouvernement russe était vraiment désireux de transformer le statu quo post-soviétique, d’abord et avant tout, il engagerait vis-à-vis de ses voisins une politique qui réduise les peurs plutôt qu’elle ne les aggrave.

Mais cela s’applique également, quoique symétriquement, à l’Ouest: d’une part, les principes d’une nouvelle Europe, tels que l’OSCE les a définis après 1989/1990, n’autorisent pas à décréter que les alliances soient soumises au veto d’un grand voisin. Même chose pour les élections libres et secrètes et l’inviolabilité des frontières.

D’autre part, l'installation de systèmes de défense antimissile en Pologne et en République tchèque, ainsi que le projet d’élargissement de l'OTAN à la Géorgie et à l’Ukraine, mettent des tensions là où elles ne sont absolument pas nécessaires.

Il ne faudrait pas que l’Ouest refuse le souhait de la Russie de nouvelles négociations sur un système de sécurité européen. Il devrait plutôt s’en saisir comme d’une occasion pour, enfin, répondre à la question-clé de la place de la Russie au sein de l’Europe.

L’Otan a un rôle central à jouer ici, parce qu’il est indispensable à la grande majorité des Européens et à l’Amérique. La monnaie d’échange pourrait être le non changement des principes actuels et des institutions de l’ordre européen post-soviétique, y compris l’Otan, et leur acceptation par la Russie. Celle-ci y gagnerait une place considérablement accrue au sein de l’Otan, voire la perspective d’une adhésion à part entière. Le caractère périphérique du conseil OTAN-Russie était de toute évidence insuffisant et inopérant.

Mais pourquoi ne pas envisager de transformer l’Otan en un véritable système de sécurité européen qui englobe la Russie? Les règles du jeu en seraient changées et toute une série de visées stratégiques pourraient être atteintes – sécurité européenne, conflits de voisinage, sécurité énergétique, réduction des armes, anti-prolifération, etc. Oui, une avancée comme celle-là pourrait transformer l’Otan. Mais elle pourrait transformer la Russie encore davantage.

Si l’Ouest aborde cette discussion avec la Russie sans s’aveugler, avec une idée claire de ses propres intérêts stratégiques et de nouvelles propositions de partenariat et de coopération, le pire qu’on ait à en redouter c’est qu’elle n’aboutisse pas.

Bien entendu, cette approche suppose la présence de deux choses qui n’existent pas pour l’instant: une entente transatlantique vis-à-vis de la Russie, et une Union européenne qui agisse dans une plus grande concertation et qui soit par conséquent plus forte. Le défi que pose la Russie ne permet plus néanmoins de perpétuel ajournement. Les enjeux sont tout simplement trop grands.

Copyright: Project Syndicate/Institute for Human Sciences, 2009.
Traduit de l’anglais par Michelle Flamand
(version anglaise "An Answer to the Russian Challenge")
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18 janvier 2009 7 18 /01 /janvier /2009 16:22
(article paru dans Europolitique ce week-end)

Sur le terrain de la sécurité l’Europe qu’a, face à lui, Barack Obama ne sera pas tout à fait celle qu’avait Georges Bush en arrivant, même lors de son second mandat.  D’une part, les nouveaux Etats membres sont pleinement intégrés. Et si leur atlantisme reste intact, il n’est plus automatiquement synonyme d’opposition à l’Europe de la Défense. L’expérience irakienne, notamment, a sonné le glas de la fidélité sans doute.  D’autre part, la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) est pleinement opérationnelle. Incontestablement, les quatre opérations menées dernièrement — au Tchad (militaire terrestre), en Somalie (militaire aéronavale), au Kosovo (Etat de droit) en Géorgie (observation) — ont marqué un changement de nature dans les capacités opérationnelles et politiques d’intervention, observé avec attention à Washington. L’UE est désormais autonome, pouvant se déployer, là où les Etats-Unis ou l’Otan ne le peuvent pas. Enfin, les Etats-Unis – enlisés en Afghanistan et dont la victoire en Irak reste fragile — ne sont plus l’hyperpuissance des années 1990-2000. L’émergence avec l’Europe, de la Russie ou de la Chine, pourrait obliger à davantage de compromis – ou de répartition des tâches - que les années précédentes.

L'Europe de la Défense (PESD)
Après un certain attentisme, pour ne pas dire une hostilité, l’Amérique a une soudaine « tendresse » pour la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD). A Bucarest, en avril dernier, Georges Bush avait reconnu l’intérêt de l’Europe de la Défense. De manière plus concrète, des policiers américains sont venus rejoindre la mission européenne « Eulex Kosovo ». Un expert militaire américain est déjà présent dans la mission de réforme des armées en Guinée-BIssau. Et un autre devrait le rejoindre au Congo. L’approfondissement de ces relations pourrait être à l’ordre du jour.

Un Pacte de sécurité européen
La proposition « Medvedev-Poutine » d'un nouveau Pacte de sécurité – reçue avec condescendance, outre-Atlantique, a cependant été saluée par plusieurs partenaires européens (France, Allemagne, Espagne…) comme une avancée digne d’être examinée, même si son contenu reste pour l’instant très flou. Ne serait-ce que pour rétablir des relations plus confiantes avec la Russie. Cet examen reste inséparable de la nécessaire refonte des deux autres organisations de sécurité en Europe – militaire avec l’Otan et diplomatique avec l’OSCE – toutes les deux « au milieu du gué ».

Une Nouvelle Otan ?
La fin de la guerre froide avait pris de court l’organisation Euro-atlantique, qui s’était repositionnée comme un opérateur « mondial » de sécurité. La guerre en Géorgie, au mois d’août 2008, pourrait avoir sonné le glas d’un expansionnisme sans fin. Certains Etats (de l’est européen) s’inquiètent de voir l’organisation courir le monde, et abandonner leur propre sécurité. Le retour à la bonne vieille défense territoriale qui avait fait la gloire de l’Otan dans les années 1950-60 n’est-il pas nécessaire ? En matière d’organisation, plusieurs Etats – notamment à l’ouest-européen - militent pour une meilleure prise en compte des partenaires non-américains et la création d’un véritable pilier européen de l’Alliance. Dans une lettre ouverte adressée à Obama, le Ministre des Affaires étrangères allemand (SPD) Frank-Walter Steinmeier estime qu'une "nouvelle orientation" de l'Otan est nécessaire. Ce double débat devrait culminer lors du sommet Kehl-Strasbourg, au moment où la réintégration de la France de la plupart des commandements de l’organisation devrait mettre fin à toute une époque de suspicions réciproques. La venue d’Obama, première visite en tant que président sur le continent européen, sera en lui-même un évènement.

L'engagement en Afghanistan
La double stratégie américaine en Afghanistan – menée sous couvert de l’Otan et directement par l’opération « Enduring freedom » – est de plus en plus critiquée, publiquement, même par les hauts gradés. Les généraux Britanniques et les Allemands étant les plus virulents. Le général Allemand, Egon Ramms, commandant de l'Allied Joint Force de l'Otan a ainsi considéré, dans le Stern, que la stratégie de renfort à outrance, approuvée par le candidat Obama, n’était pas la bonne. "L'Alliance ne devrait pas essayer de contrôler tout le pays mais seulement les zones où la population est la plus nombreuse". Même sentiment pour le général Mark Carleton-Smith, commandant des forces britanniques de l'Alliance, expliquant, dans une interview au Times début octobre, que l'Otan ne pouvait gagner cette guerre et que l'objectif devait être désormais de maintenir l'activité des rebelles à un niveau contrôlable par l'armée afghane.

Le Bouclier Anti-Missiles
L’accord signé entre les Etats-Unis, la Pologne et la République tchèque pour l’installation d’éléments du bouclier anti-missiles américain (radar et rampe anti-missiles) sera-t-il confirmé ? Les conseillers du candidat démocrate, lors de la campagne électorale, avaient affirmé que la poursuite du programme serait liée à son utilité, son coût… et son objectif. A défaut d’abandonner le programme, l’idée de le réorienter est possible, comme l’a expliqué le chef de la diplomatie polonaise, Radek Sikorski, au sortir d’une entrevue, en septembre dernier, avec Obama : "le principe d'un bouclier, seulement à condition qu'il ne soit pas dirigé contre la Russie".

Robert « Bob » Gates, homme connu et connaisseur de l'Europe, fidèle de Bush
L'Europe de la Défense n'aura pas non plus un inconnu face à elle de l'autre coté de l'Atlantique. Robert « Bob » Gates, était secrétaire à la Défense sous le républicain Georges W. Bush, depuis novembre 2006 (quand il succède à Donald Rumsfeld démissionnaire). Il le reste sous le démocrate Obama. Etonnant. Cet homme, né en 1943, est un fidèle de Bush. Mais il connait bien l'Europe. Historien de formation, spécialiste de l’Europe - diplôme en histoire européenne et doctorat sur la Russie et l’Union soviétique (1974) – est entré à la CIA en 1966 et a gravi tous les échelons, pour finir par la diriger (1991-93) malgré une controverse sur les livraisons d’armes aux contre-révolutionnaires nicaraguayens. Il a été également conseiller adjoint au sein du Conseil national de sécurité du président George HW. Bush (senior) de 1989 à 1991 et après la CIA, a dirigé la « George Bush School of Government and Public Service » de l’université A&M du Texas.

(photo : Gates avec Parkanova, la ministre tchèque de la Défense lors de la signature du bouclier anti-missiles)
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14 janvier 2009 3 14 /01 /janvier /2009 11:39
Les Russes, les Ukrainiens disent oui, disent non, à la réouverture du gaz, jouent au chat et à la souris avec les Européens - et la république Tchèque qui occupe la présidence de l'UE - pour des motivations plus ou moins diverses (lire le gaz, une arme). Pour tenter de comprendre, pourquoi cette attitude, relisons le journaliste et essayiste Thierry Wolton quand il décrit la prise de contrôle par le gouvernent russe du secteur de l'énergie - et la façon dont il en use (1). C'est intéressant, surtout en pleine crise (à nouveau) du gaz.

Pour lui, "les millions de tonnes de pétrole, de gaz, et de minerai divers" sont pour la Russie un instrument de reconquête de sa "souveraineté" et de pouvoir - au même titre que l'action militaire ou la démographie - selon une stratégie bien planifiée, graduellement mise en oeuvre, avec contrôle interne, puis externe des ressources. Il cite Poutine qui expliquait lors d'une réunion du Conseil de sécurité nationale, en septembre 2005 : « La Russie ne peut dominer dans aucun autre domaine que celui de l’énergie ». "Hier la puissance de l’URSS reposait sur la dissuasion nucléaire, aujourd'hui la force de la Russie tient en sa capacité à pouvoir fermer les robinets du gaz et du pétrole", complète Wolton.

Une stratégie planifiée. (...) En 1996, Poutine rédigea une thèse sur « la planification stratégique du renouvellement de la base minérale et des matières premières de la région de Leningrad dans le contexte du passage à une économie de marché » à l’institut des mines de St-Petersbourg. Inspiré par le recteur de l’Institut, le professeur Vladimir Litvinenko, devenu le conseiller énergétique du président (NB à ne pas confondre avec Alexandre, officier du KGB assassiné à Londres en octobre 2006 au premium 210). Il milite pour un contrôle des richesses du sous-sol afin que la Russie soit maîtresse chez elle et qu’elle puisse peser de tout son poids dans le monde : »Les hydrocarbures sont notre principale force et notre meilleur argument sur la scène mondiale » (Moscow Times 6 juin 2006).

Le contrôle interne des ressources. "Pour tenir en main tous les leviers, le Kremlin a procédé par étapes : élimination des oligarques gênants, exclusion des majors occidentales des gisements les plus rentables (BP et Shell par exemple), contrôle des investissements du secteur par le FSB, mise en place d’un réseau d’entreprises capables de tenir leur rang sur les marchés extérieurs (Gazprom, Lukoil, Rosneft…)."
 
Le contrôle externe des ressources. "Maîtriser les sources d’approvisionnement et les moyens d’acheminement, faire pression sur les pays récalcitrants, promouvoir un nouvel ordre mondial, le Kremlin ne manque ni de moyens ni d’alliés pour parvenir à ses fins. Les ex-dominions de l’URSS ont été les premiers à ressentir la poigne russe. Ukraine, Géorgie, Arménie, Moldavie, Azerbaïdjan, tous ont été obligés de céder à Gazprom des parts de leurs sociétés gazières ou de leurs réseaux de gazoduc s’ils voulaient éviter une faillite après la hausse intempestive des prix décidée par Moscou." C'est le premier temps.  "Dans un 2e temps, qui se déroule actuellement, la Russie veut renforcer la dépendance de ses clients en les coupant d’autres sources d’approvisionnement possible. Les gaz turkmène, kazakh et ouzbekh qui offraient à l’Europe des alternatives possibles à la production russe, sont passés sans le contrôle de Gazprom, des accords avec le Venezuela de Chavez et l’Algérie de Bouteflika font peser une menace sur les flux pétroliers en direction de l’Europe. (…) Moscou se rapproche de plus en plus des autres nations riches en matières premières dans l’espoir de les rallier sous sa bannière et de tenir la dragée haute à des Occidentaux en manque d’hydrocarbures."

Faut-il commenter ?...

(1) "Le KGB au pouvoir, le système Poutine" (Ed. Buchet Chastel, janvier 2008, 236 pages, 19 euros)
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13 janvier 2009 2 13 /01 /janvier /2009 07:05
C'est le ministre finlandais au Commerce extérieur et au Développement, Paavo Väyrynen, qui s'est lancé dans un exercice d'explication sur la neutralité à la finlandaise. Une réaction publiée dans dans Suomen Kuvalehti à certaines déclarations de son collègue, ministre des Affaires étrangères, Alexander Stubb. Celui-ci a, en effet, provoqué dans son pays, une mini-tempête en déclarant à Dublin que la Finlande partage avec l'Irlande d'être "non aligné" et "neutre" alors qu'il défendait à Moscou quelques jours auparavant que la Finlande "n'est pas neutre".

Moment opportun d'ouvrir la discussion ? La neutralité est un sujet sensible s'il en est en Finlande, à l'heure où certains responsables politiques (conservateurs ou chrétiens-démocrates surtout) veulent négocier un virage vers l'Otan (un nouveau Livre blanc sur la sécurité qui aborde aussi cette question doit être publié dans les jours qui viennent). Mais l'intervention de Väyrynen (membre du Parti du Centre, et à plusieurs reprises ministre des Affaires étrangères) est intéressante. Car la question est, à nouveau, sensible en Europe. La neutralité est devenue un des thèmes de campagne majeurs en Irlande sur la ratification du Traité de Lisbonne. Il est ainsi intéressant de voir comment un homme, plutôt hostile à l'adhésion à l'UE à l'époque, mais modéré, considère cete question. L'Europe permet-elle la neutralité est donc une question non seulement, théorique, doctrinale, intéressante mais politiquement décisive ? Il est étonnant de voir que les autorités européennes sont plutôt silencieuses sur ce sujet, comme si le thème était tabou.

Neutre ou non-aligné, la neutralité à la finlandaise ? Pour le Ministre finlandais, ce sont une seule et même chose. L'un étant la condition de l'autre. "La condition de la neutralité pendant la guerre est le non-alignement en temps de paix, car l’appartenance à une alliance militaire pourrait empêcher la neutralité pendant la guerre. Petit à petit, la neutralité est devenue un synonyme du non-alignement. Pendant la guerre froide, la Finlande a exercé une politique de neutralité qui était composée de deux éléments. La Finlande était neutre dans le sens qu’elle n’appartenait pas à une alliance militaire (le pacte d’amitié et de coopération avec l'URSS ne constituait pas une alliance militaire entre la Finlande et ce pays). "Le noyau dur de la politique de neutralité de la Finlande" est que ce pays voulait garder cette position de neutralité et préserver et renforcer son indépendance." En tant qu’Etat militairement non-aligné, et ainsi neutre, la Finlande pouvait adopter la politique de neutralité également comme une orientation générale de sa politique étrangère. La Finlande s’efforçait de se tenir à l’écart des conflits d’intérêts entre les grandes puissances et de maintenir de bonnes relations avec tous les Etats. Cette idée impliquait de renforcer l’indépendance par rapport à l’Union soviétique".

Une tentative de remise en cause de la neutralité lors de l'adhésion à l'UE a échoué. L'adhésion à l'UE a été l’occasion - lors des négociations d’adhésion - de redéfinir cette position et cette ligne. Selon la nouvelle formulation, la Finlande gardait, dans la nouvelle Europe, le noyau dur de sa neutralité, c’est-à-dire le non-alignement militaire et une défense indépendante crédible. La participation à la PESC a toutefois signifié que la Finlande ne pouvait plus exercer sa politique de neutralité traditionnelle dans le sens large du terme. "Au fur et à mesure que les négociations d’adhésion avançaient" raconte l'ancien ministre des Affaires étrangères, "certains Etats membres ont exigé que la Finlande renonce à part entière à sa neutralité. Ils sont toutefois revenus sur leur exigence lorsqu’ils ont constaté que cela demanderait la transformation de l’UE en un Etat fédéral avec des garanties de sécurité militaires".

Neutralité et membre de l'UE ne sont pas incompatibles. En Finlande, beaucoup de personnes ont dit qu’en tant que membre de l’UE, ce pays ne pourrait plus s’appeler neutre. Ils ont eu tort, écrit Väyrynen. Dans l’UE, le langage est clair : les Etats non-membres de l’OTAN et ainsi militairement non-alignés sont appelés Etats membres neutres. En Finlande, lorsque M. Lipponen est devenu Premier ministre, on a renoncé au terme de neutralité et on a commencé à se référer à la Finlande comme un Etat militairement non-aligné. M. Lipponen, quant à lui, est allé encore plus loin, selon M. Väyrynen. Il a dit que depuis son adhésion à l’UE, la Finlande n’était même plus militairement non-alignée. Pourquoi ce changement de vocabulaire ? Selon lui, "pour aplanir la route pour l’adhésion de la Finlande à l’OTAN ou pour la transformation de l’UE en une alliance militaire et un pilier européen de l’OTAN". Cette dérive est inquiétante, selon lui. "Il est désespérant d’essayer de changer le langage établi des autres pays en faisant une différence entre la neutralité et le non-alignement militaire. Cela crée des malentendus et une confusion. Ne serait-il pas sage d’essayer d’harmoniser nos concepts avec le langage des autres pays en réadoptant le terme de la neutralité à côté et comme synonyme du nonalignement militaire"

L'utilité d'avoir un pays neutre, plus forte que jamais. Encore récemment, "les Etats-Unis ont justifié le choix de Helsinki comme lieu de rencontre des commandants des forces armées américaines et russes (NB : après le conflit en Géorgie, et alors que le cessez-le-feu n'était pas encore consolidé) par la neutralité de la Finlande."
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11 janvier 2009 7 11 /01 /janvier /2009 22:52
Dans une lettre ouverte adressée à Obama - et qui sera publiée ce lundi par Der Spiegel (*)-, le ministre des Affaires étrangères allemand (SPD) Frank-Walter Steinmeier dresse à l'intention du futur président américain les points de la politique étrangère américaine qu'il importe de revoir.

Les missions de l'Otan, à réorienter.
Steinmeier critique notamment, en termes assez vifs, la situation à l'Otan, estimant qu'entre alliés la discussion trop longtemps reportée sur la mission de l'Alliance doit maintenant être faite honnêtement. Et qu'une "nouvelle orientation" de l'Otan est nécessaire.

Pacte de sécurité Medvedev, à étudier. Le chef de la diplomatie explique également qu'il est nécessaire de revoir les relations avec la Russie sur "des bases entièrement nouvelles". Notamment à partir de l'offre du président russe Medvedev pour une "nouvelle architecture de sécurité" en Europe.

Cette lettre ouverte est le révélateur, d'un débat sous-jacent depuis plusieurs mois au sein de l'Otan et qui devrait culminer lors du sommet de Kehl-Strasbourg, début avril. A quoi sert l'Alliance Atlantique ? Ne doit-elle pas revenir à la défense territoriale qui avait fait sa gloire dans les années 1950-60 ou doit-elle courir de par les mondes comme une force d'intervention - comme en Afghanistan. Dont le résultat ne semble pas évident. Et dans les couloirs de l'Otan, la réflexion va bon train à en juger par certains propos entendus. Cette discussion éclate même en plein public, avec les gradés britanniques et allemands qui expriment ouvertement et bruyamment leur point de vue sur l'ISAF (Cf. le propos d'un général (4 étoiles) allemand tout récemment).

Autres sujets abordés : Guantanamo, Irak, Iran...

Guantanamo, à fermer, et Irak, à développer. Le ministre allemand propose son soutien pour la fermeture de Guantanamo - avec l'offre européenne d'héberger des prisonniers. et une nouvelle politique en Irak : "Il y a de bonnes raisons. Vous étiez comme moi, il ya six ans contre la guerre. Aujourd'hui, il est important de regarder de l'avant." "Si l'Amérique tend la main aux autres, je promets que la communauté internationale et l'Europe n'abandonneront pas la nouvelle administration dans l'accomplissement de cette tâche" souligne-t-il.

Iran, nécessaire reprise du dialogue. "Certes, il existe des conditions non négociables de la communauté internationale : pas de prise en charge de la terreur et la violence dans la région, pas de réarmement nucléaire. Pourtant, le dialogue de tous avec l'Iran - qui n'est ni faiblesse, ni concession - est sain. C'est pourquoi je l'encourage, vous et votre équipe, à emprunter ce chemin." précise Steinmeier.

(*) Quelques extraits ont été publiés. J'y reviendra des que j'aurai lu l'article en entier

(Photo : Ministère allemand des Affaires étrangères)
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8 janvier 2009 4 08 /01 /janvier /2009 07:30
Le blocage du gaz russe à destination de l'Ukraine et des pays européens est une arme. Une arme au sens propre et au sens figuré. Et les Russes le prouvent. C'est un coup de force à visée stratégique, sur deux plans. Mais aussi une véritable opportunité pour les Européens. La sécurité énergétique sera au menu d'un Conseil informel des 27 sur la sécurité énergétique à Prague aujourd'hui.

Utilité de la crise pour les Russes

1° : l'Ukraine discréditée.
La crise démontre que l'Ukraine n'est pas un partenaire fiable ni pour l'Otan ni pour l'Union européenne. Difficile aujourd'hui même pour les plus fidèles soutiens au rapprochement entre l'Ukraine et le monde occidental d'oeuvrer dans ce sens, après l'impéritie ukrainienne. Sans en avoir la brutalité, ni l'efficacité totale du coup de force sur la Géorgie, il neutralise pour quelques mois de plus la candidature potentielle de l'Ukraine.

2° : un coup de semonce à la république Tchèque et "son" bouclier anti-missile. Le blocage du gaz montre la dépendance des Etats de l'Est européen tentés par un bouclier anti-missiles américain (Pologne, république Tchèque, voire Lituanie...) qui irrite (le mot est faible!) les Russes. Et quel singulier hasard que cette crise éclate juste au moment où les Tchèques prennent leur tout de présidence tournante ! Eux qui ont signé (mais pas encore ratifié) avec les Américains l'installation d'un radar.  Cela ne fera sans doute pas changer d'avis les Tchèques. Encore que l'accord n'est toujours pas adopté définitivement (la chambre des députés doit encore le voter, début février normalement). Et surtout, au moment juste où la nouvelle administration Obama va prendre les rênes du pouvoir c'est un singulier rappel à l'ordre des intérêts russes.

Utilité de la crise pour les Européens

Il est urgent d'agir
. Finis les tergiversations, les interrogations, les altermoiements... Considérer comme l'ont fait les premières heures, la présidence tchèque et la Commission européenne, qu'il s'agit uniquement d'un litige privé, dont il ne vaut mieux pas se mêler, est suicidaire.

L'Europe doit être forte pas faible. Oui c'est un litige privé - et peu importe le fautif. Mais il cause des dommages sur les Européens, et des dommages importants, surtout en plein hiver. Et comme tout client d'une société, celui-ci a droit au respect de son contrat. L'Union européenne doit donc se mêler de ce litige car il la concerne directement, c'est une règle basique de la responsabilité civile et commerciale avant d'être une règle politique. L'UE doit s'en mêler. Car personne ne peut être dupe de la proximité de Gazprom non seulement avec le pouvoir - le lien est organique, c'est une société d'Etat - mais aussi, et surtout, avec le FSB - les services secrets russes. Ce que décide Gasprom c'est ce que décide le Kremlin. Coté russe, le litige est privé, la décision est politique.

L'Europe doit être audacieuse et non pas frileuse. Il s'agit d'avancer à 27 en matière de diversité, de solidarité et de sécurité énergétique. Peu importe que le traité de Lisbonne qui contient certaines dispositions plus claires ne soit pas adopté. L'excuse de l'insuffisance des bases juridiques dans les traités actuels est une fausse excuse. Une excuse pour ne pas agir. Tous les experts juridiques vous répondront qu'une base juridique se cherche, se trouve et, au besoin, s'interprète (voir revue de détail des bases possibles).

(1) Pour compléter on peut lire ou relire l'analyse de Pierre Verluise faite en octobre 2006 sur les relations commerciales Ue-Russie et l'utilisation de Gazprom par le pouvoir
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logo_ouestfrancefr.pngL'éditeur : Nicolas Gros-Verheyde. Journaliste, correspondant "Affaires européennes" du premier quotidien régional français Ouest-France après avoir été celui de France-Soir. Spécialiste "défense-sécurité". Quelques détails bios et sources.