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Pour les 10 ans de la Politique européenne de sécurité et de défense, la revue du Conseil de l'Union européenne sur la PESD a sorti un numéro spécial. On m'a proposé, à cette occasion, d'être un des "guest comments", aux cotés de différentes personnalités (Javier Solana, Carl Bildt, Jamie Shea, Marc Otte, Arnaud Danjean, Nicole Gnesotto, Jolyon Howorth...) qui font les délices de la PESD aujourd'hui ou hier. Un véritable exercice de style — rester indépendant, sans fard ni concession, sans agressivité non plus — pour ne pas me tenter... Fait notable : aucune "relecture" ou "correction" ne m'a été demandée. Ce qui est relativement rare dans ce type de revue "officielle".
Dans les crises passées des années 1990 - en ex-Yougoslavie, au Rwanda, … -, l’Europe était restée, plus ou moins, l’arme au pied. Laissant faire, laissant se commettre les atrocités. Le « plus jamais çà », issu de la seconde guerre mondiale, qui avait été le moteur profond de la construction européenne, depuis les années 50, était refoulé. L’Europe n’était pas seulement divisée politiquement, elle était paralysée, incapable d’agir ; n’ayant pas les instruments pour favoriser l’unité, ni les outils opérationnels pour intervenir. Pour ceux qui ont connu ces moments, et ils sont nombreux à exercer aujourd’hui des responsabilités politiques de premier niveau, au plan européen comme national, le souvenir peut être amer. Mais ces « crises » ont eu un mérite : refaire de la création d’une Europe de la Défense, une priorité. Car il s’agissait de « ne plus jamais rester comme çà », passifs.
Une « syntaxe » différente
Encore fallait-il s’entendre sur cette Europe de la Défense. Car historiquement et militairement, c’est l’Organisation du Traité Atlantique Nord (OTAN) qui a eu la charge de bâtir et consolider la défense européenne. L’UE se devait donc, à côté de l’Alliance, de définir sa stratégie, ses propres objectifs, de se doter de premiers propres outils opérationnels propres. Une autonomie qui est la condition nécessaire à la réalisation de sa politique. C’est à cela que l’UE a consacré les premières années. Même si les deux organisations paraissent se « marcher sur les pieds », on peut tracer des différences nettes qui, loin de la confusion, imposent la complémentarité.
A la première, organisation militaire, la fonction de garantir la sécurité collective de ses membres, au besoin en allant au-delà des frontières (Kosovo, Afghanistan …), en cas de risque pour la sécurité de ses membres. A la seconde, organisation civile, le soin de développer d’une politique étrangère commune, dont la politique de défense et de sécurité (PESD) fait partie des outils et instruments, pour stabiliser, s’interposer dans des conflits aux bordures de ses frontières comme loin de celles-ci.
Derrière ces deux organisations se profilent, aussi, deux conceptions de la sécurité. Dans l’une, elle est un objectif, en soi, sous contrôle politique évidemment. Dans l’autre, c’est un instrument – parmi d’autres – au service d’une politique étrangère qui vient en complément d’autres politiques (aide humanitaire, développement, sécurité civile…).
L’une est largement impulsée par les Etats-Unis – il est difficile de le nier -, mais garde une essence intergouvernementale. L’autre ressort d’une volonté plus propre aux Européens, avec une impulsion historique franco-allemande, devenue plus large et plus diversifiée aujourd’hui, avec les élargissements vers le Sud, le Nord, et l’Est de l’Europe. Elle a une vocation franchement intégratrice des États qui la composent, fédérative des énergies nationales (à distinguer du modèle fédéral).
Une capacité d’action nouvelle
La "marque de fabrique" de l'UE, son principal atout, c’est incontestablement sa capacité à intervenir dans presque toutes les régions du monde, même dans les situations politiques les plus complexes (Afrique, Asie, Moyen-Orient...). Sa multiplicité d'opinion à l'intérieur même des États membres n’est pas un inconvénient. Au contraire... Elle lui procure une sorte de « neutralité » et lui donne la légitimité nécessaire pour être accepté. Une opération Artemis au Congo menée par la seule Belgique, une opération Eufor au Tchad menée par la seule France ou une opération SSR menée en Guinée-Bissau menée par le seul Portugal aurait immanquablement été taxée d’intervention de l’ancienne puissance coloniale. Avec l’UE, le pays concerné a une certaine garantie qu’il n’en sera pas ainsi.
Ses différences historiques, ses divergences géographiques lui offrent, en outre, une palette de connaissance et d’approche de presque toutes les régions du monde qu'aucune autre puissance ne peut actuellement réunir. Indéniablement, les derniers élargissements n’ont pas érodé son pouvoir d’action. La réunification du continent européen pourrait, au contraire, signifier un renforcement en matière d’Europe de la défense. La mise en avant de la PESD comme priorité n°1 de la présidence polonaise de l’UE en 2011 en est un exemple frappant.
Enfin, son caractère "friendly", "moins agressif" que d’autres forces d’intervention (Etats-Unis, Otan, Russie) lui permet d'être appréciée par la plupart de partis en conflit. Le fait pour l’Europe de ne pas pouvoir déclencher la guerre peut parfois être une faiblesse. C’est aussi une force. Quand l’Europe négocie, elle n’est pas perçue de manière systématiquement hostile, comme une volonté d’accaparement, d’invasion. Les exemples récents du Kosovo (dans sa phase indépendante), de la Géorgie (dans son conflit avec la Russie) sont là pour le rappeler. Le fait que l’UE existe sans avoir détruit ses États membres est aussi un gage pour nombre d’États dans le monde d’une marque de respect.
De ce fait, la PESD trouve sa meilleure expression dans les missions de stabilisation de la paix, d'autant plus quand des éléments militaires et civils se chevauchent dans le temps ou dans l'espace, comme au Proche-Orient, dans la région africaine des Grands lacs, voire dans la corne de l’Afrique...
Des opérations de « 2e génération »
Depuis deux ans, les opérations entamées témoignent du franchissement d’un pas décisif. On pourrait même parler « d’opérations de seconde génération » tant la réalité de 2009 diffère celle des années précédentes. La chronologie en témoigne. L’UE est aujourd'hui en capacité de mener des opérations, autonomes, d'une importance certaine, d'ordre militaire ou civil, sur terre comme sur mer, le tout de manière quasi-simultanée.
En février 2008, les 27 décident, à l’unanimité, de conduire une mission « État de droit » (Eulex) forte de 3000 personnes au Kosovo alors qu’ils sont profondément divisés sur la reconnaissance, ou non, de l’indépendance de cette province autonome de l’ex-Yougoslavie. Une évolution politique très nette. Plusieurs années auparavant, l’Europe était divisée sur des questions semblables mais n’avait pu s’entendre sur une action.
En mars 2008, l’UE commence à déployer à l’est du Tchad et en République centrafricaine, une opération militaire (Eufor) de près de 4000 hommes (et femmes), loin de ses frontières naturelles. Ce qui représente un pari logistique certain. Avec une originalité supplémentaire. Aucun des « grands » États membres – mis à part la France – n’était présent en nombre. Cette opération n’est rendue possible dans une configuration que n’avaient pas prévus les fondateurs de la PESD, grâce aux nouveaux États membres (Pologne en tête), aux États à la neutralité affichée (Irlande, Autriche) ou non membres de l’OTAN (Suède, Finlande). Le soutien de la France, qui a des implantations sur place, est un gage de ce succès logistique. Mais il constitue un risque politique pour l’UE : celui d’être pris en flagrant délit de neutralité. Plusieurs spécialistes parient d’ailleurs sur l’échec de l’opération. Il n’en est rien. Au terme du mandat prévu, d’un an, l’Union européenne cède la place à l’ONU.
En septembre 2008, l’UE déploie en Géorgie, une force de plus de 200 observateurs « civils » afin de veiller au retrait des troupes russes et au cessez-le-feu, conformément à l’accord signé entre le président russe Dimitri Medvedev et le président en exercice de l’UE, Nicolas Sarkozy, sur les lignes de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, les deux régions sécessionnistes de Géorgie. Alors que la tension est au maximum sur le terrain européen, l’UE est arrivée à s’imposer entre les deux Grands » - Russie et Etats-Unis qui s’échangent des invectives orales et arment les belligérants. Le tout en quelques semaines. Ce qui est une prouesse quand on connaît le peu de moyens de l’UE. Quinze ans auparavant ,l’Europe n’avait pas pu empêcher ces deux régions de s’embraser et de faire des milliers de morts.
En décembre 2008, enfin, l’UE déploie au large de la Somalie une force d’une dizaine de navires et d’avions, afin de lutter contre la piraterie maritime qui menace les bateaux du Programme alimentaire mondial et l’approvisionnement humanitaire de la Somalie, les pêcheurs européens ainsi que les navires marchands de toutes nationalités. En plein Golfe d’Aden, à quelques encâblures du canal de Suez, et non loin, ce déploiement a également une vertu stratégique non négligeable.
Pendant ce temps, elle continue de se déployer de plus petites missions dans des endroits à risque : en Afghanistan (police), en Irak (police et justice), en Palestine (police et prisons), en Guinée-Bissau (réforme de la sécurité)…
L’intégration civile et militaire
Dans la plupart de ces opérations, l’UE joue groupée. Utilisant de façon alternative, ou cumulée, les moyens militaires et civils, selon les besoins et également les contingences politiques. La « force de frappe » financière et diplomatique de la Commission européenne est souvent une aide précieuse. Au Tchad, il permet de financer le retour des réfugiés et déplacés ; en Géorgie de stabiliser le pays ; dans le Golfe de mettre au point un programme visant à renforcer les capacités locales de lutte contre la piraterie. Il s’agit de cumuler développement économique à long terme et gestion de crise à court terme. Les moyens disponibles sont mis à disposition de l’un ou l’autre. Les militaires ont donné un « coup de main » décisif pour la mise en place rapide de l’opération en Géorgie. Tandis que les « civils » apportaient leur touche essentielle diplomatique à la mission militaire au Tchad ou en Somalie.
C’est cela la marque de fabrique de la politique de défense de l’UE : être une organisation politique, intégrant un ensemble d’instruments, civils et militaires, sans agressivité, avec une vocation à agir dans toutes les régions du monde, où les décisions représentent la volonté commune. Dans le passé, cela a pu donner l’impression du plus dénominateur commun mais cela donne parfois aussi… le maximum multiple.
Nicolas Gros-Verheyde
Pour télécharger ce numéro spécial qui vaut le détour (en dehors de ma prose -;).
• LA PESD est-elle vraiment utile. Nous avons déjà l’OTAN, d’un côté, l’ONU de l’autre ?
Quand je suis arrivé, je n’étais pas un Européen convaincu, tout simplement car j’ai passé plus de temps à l’OTAN. J’ai donc découvert. Et aujourd’hui, je peux le dire : ce que nous faisons était utile. Tout le monde y gagne : la communauté internationale à qui on apporte une réelle souplesse ; et chacun de nos pays qui en tire davantage d’interopérabilité et de complémentarité. Quant à dire que nous dupliquons l’Otan, nos structures militaires européennes sont tellement légères (200 militaires) que la question ne se pose même pas.
• C’est le sentiment de tous ?
Tout représentant qui quitte le Comité militaire pense cela : nous sommes utiles. Plus généralement, je vois que, peu à peu, les attitudes changent. Il y avait une division traditionnelle entre ceux qui étaient pour la PESD, ceux qui y étaient hostiles, et les nouveaux venus. On a vu la France bouger (en revenant dans les commandements intégrés de l’Otan). Ceux qui avaient des craintes pour l’Otan ont une attitude plus ouverte. C’est un amiral britannique, à partir d’un QG britannique, qui commande notre opération-phare, Atalanta (anti-piraterie au large de la Somalie). Les nouveaux pays ont commencé à s’intéresser et à participer de plus en plus ; l’exemple, c’est la Pologne qui a parfaitement intégré la complémentarité, participe à toutes les opérations, sans pour autant renoncer à ses convictions.
• Durant ces années, vous voyez une progression de l’Europe de la défense ? Où sont les lacunes ?
Dans les capacités militaires et la conduite des opérations, nous avons progressé, mais moins qu’espéré. Quand je suis arrivé, ni les Quartiers généraux de Rome (Italie), ni celui de Larissa (Grèce) n’étaient opérationnels. Aujourd’hui, nous avons cinq Quartiers généraux opérationnels. Le centre de planification (à Bruxelles) est désormais opérationnel. Avec 10 officiers planificateurs en plus, ce n’est pas une révolution mais c’est déjà un acquis. En revanche, nous n’avons guère fait de progrès en matière de capacités, même si le travail de l’Agence européenne de défense reste important. D’une certaine façon, la crise économique, les difficultés budgétaires des pays européens pourraient faire évoluer cette situation.
• Malgré ces progrès, l’Europe n’a pu intervenir au Congo ? Incapacité d’agir ou blocage politique ?
C’est simple. Une partie des États membres était favorable à une intervention militaire européenne et une autre estimait que cela présentait plus de risques que d’avantages. Mais il n’y avait pas que les États à être divisé. A la Commission européenne, aussi, il y avait des avis très divergents entre ceux qui était pour l’intervention – les gens d’Echo (l’Office européen d’aide humanitaire) —, et ceux qui étaient plutôt contre — ceux de la DG Développement. Nous avions tous un grand souci humanitaire, une nécessité d’agir, mais de sérieuses interrogations sur la nécessité d’utiliser l’outil militaire.
• Mais vous étiez pour l’intervention ?
Oui. Mais quand je regarde rétrospectivement, la solution locale avec le Rwanda s’est révélée plus intéressante. J’en parle avec d’autant plus de liberté que j’étais plutôt pour une intervention militaire. Les conditions d’interventions étaient telles – notamment avec l’absence de piste d’atterrissage pour les gros porteurs à Goma et la nécessité de « tout faire » avec des C130 et des Transall - que c’aurait été calamiteux. Le temps que l’on se déploie, la situation aurait été transformée. Et on n’aurait pas pu remplir la mission d’urgence et on aurait pu se retrouver entre deux feux. En fait, quand je regarde a posteriori, notre absence a involontairement facilité l’accord Congo Rwanda, les a acculés à trouver un accord. Comme quoi l’intervention militaire n’est pas toujours la meilleure des solutions.
• On peut se poser tout de même la question de l’utilité des Battlegroups, les Nordiques se la posent en tout cas ?
Il ne faut pas tirer de conclusions sur l’employabilité / la déployabilité des battlegroups du fait qu’on n’a pas pu les utiliser pour le Congo. Je suis tout à fait convaincu que le jour où il y aura une urgence sur un lieu où tous les Européens seront concernés – au Moyen Orient où les Européens ont sensibilité -, le battlegroup sera déployé. Il ne faut surtout pas remettre en cause leur utilité alors qu’il existent depuis 2 ans1/2 à peine (*).
C’est un faux procès que l’on fait aux Battlegroups : si on les utilise pas, ils vont mourir. C’est vrai ça coûte cher. Mais c’est une formidable assurance. Et une assurance coûte cher. Mais les bénéfices sont énormes en cas de vrai pépin, de situation d’urgence. On ne peut pas faire l’impasse dessus.
Et ce qu’on oublie c’est leur utilité dans la transformation de nos armées. Ces battlegroups sont extrêmement utiles pour accroître l’interopérabilité de nos forces, résoudre des problèmes fondamentaux comme le transport aérien rapide, car tous les processus de certification sont maintenant standardisés. Les battlegroups constituent aussi une capacité réelle et sérieuse d’intervention. En cela, ils sont un élément de notre politique extérieure.
Maintenant accroître la souplesse d’emploi et la flexibilité c’est légitime, il ne faut pas se retrouver prisonnier de concept et procédures.
• Si vous deviez définir le « créneau » de l’Europe de la Défense, vous le définiriez comment ?
Je vois un bel avenir pour l’Europe en matière de gestion de crises, dans l’approche globale, la gestion civilo-militaire. Nous avons énormément progressé. En Bosnie-Herzégovine, les deux missions (militaire et civile) se déroulent sous l’égide du représentant spécial de l’Union européenne. Pour l’opération au Tchad, il y a eu un effort d’intégration : dès le début, la Commission européenne a participé à la planification de l’opération : pour le financement du retour des déplacés dans leur village, de la formation de police, etc. Et la Commission a ensuite suivi la conduite de l’opération. C’était une première ! Nous avons adopté le même principe avec l’opération anti-pirates « Atalanta » : la Commission européenne a agi avec nous, pour arracher rapidement, en temps réel, les accords nécessaires avec les pays tiers. C’est ce qui a donné sa capacité d’action à l’opération de l’UE. Ce mélange des civils et des militaires n’existe pas, ou très peu au niveau national. En soi, c’est une révolution. On découvre des difficultés au fur et à mesure que l’on progresse, et il faut être innovant.
• Ce n’est tout de même pas évident de voir un militaire prôner… l’action civile ?
C’est vrai, avec mon passé de militaire français, il faut dire que j’étais plutôt sceptique sur le mixage des chaînes. En novembre 2006, lorsque j’ai réuni mon premier comité militaire j’ai été stupéfié de voir trois représentants de la Commission européenne, des civils, présents dans un comité aussi spécialisé que les chefs d’État major. Ils n’intervenaient pas systématiquement. Cela n’a donc pas été une génération spontanée. De chaque côté d’ailleurs. Les représentants de la Commission intervenaient peu. Et au fur et à mesure, leur attitude s’est transformée. Ils prennent part davantage aux débats. Et d’est utile. Plus le temps passe, plus j’en suis convaincu, notre force, notre atout, c’est le civilo-militaire.
• Quels ont été les éléments de cette évolution ?
Les esprits ont évolué. L’Irak et l’Afghanistan ont été des claques terribles pour ceux qui avaient prôné longtemps le tout militaire. Dans les deux cas, on a constaté que se contenter d’une stratégie purement militaire ne pouvait aboutir qu’à de grosses difficultés. Il ne pas ajouter du civil quand on voit que le militaire vacille. Il faut dès le début planifier l’action civile, associer les civils à notre planification.
• Dans cette concertation entre civils et militaires, quel est l’atout de l’UE Qu’est-ce qu’il faut améliorer ?
Notre atout, c’est la capacité à mobiliser tous les leviers. Encore faut-il les roder dans un dialogue permanent. En temps de crise, en fait, on arrive à réunir tout le monde. Et çà marche. Mais c’est encore du cas par cas. Ce qui manque, ce sont les échanges quotidiens entre les experts de la Commission européenne, les militaires, le commandement civil, etc. Ces échanges permettent de nourrir en permanence la planification, l’alerte. Et cela joue dans les deux sens. Il y a des domaines — la surveillance maritime, les catastrophes naturelles… — où l’approche a surtout été civile (par la Commission européenne). Mais les militaires peuvent avoir un rôle à jouer. C’est ce que pourrait favoriser le (futur) service d’action extérieure dès que le Traité de Lisbonne entrera en vigueur.
• Le QG Permanent militaire dont on parle de temps à autre vous paraît nécessaire ?
Personne ne discute d’un point de vue militaire l’utilité d’un QG permanent. Regardez, pour monter un QG temporaire : il faut plus d’un mois pour le monter. Puis après l’opération, on le démonte, et on perd toute l’expérience. Ce n’est pas très efficace. Et travailler avec la capacité civile et les responsables politiques quand on est à 600 km de Bruxelles, ce n’est pas aisé. Et ne venez pas me dire que c’est une question financière ou de duplication des structures : avoir 200 personnes de plus à l’UE contre plusieurs milliers à l’Otan, ce n’est pas un problème financier ou opérationnel. Vraiment.
• La difficulté est ailleurs alors ?
Oui, il faut le reconnaître. C’est très politique. Cela créerait des tensions avec l’OTAN, une inquiétude au SHAPE, un sentiment de malaise aux Etats-Unis. Tant que cette question n’est pas réglée, on ne pourra pas avancer. Il faut arriver à nous mettre d’accord sur ce qu’on veut faire dans ces enceintes. Aujourd’hui, il y a encore trop de non-dits. Il ne faut pas se voiler la face, il y a des suspicions, un obstacle politique et psychologique. Cela ne sert à rien de mettre le QG permanent sur la table tant qu’on n’a pas réglé çà.
• Vous avez néanmoins une petite idée de la solution ?
L’avenir n’est peut-être pas vraiment dans un QG purement militaire. Ce que nous avons le plus besoin, et qui serait plus acceptable pour l’OTAN, les Etats-Unis, ce serait un centre de commandement civilo-militaire. Davantage orienté vers l’intégration des capacités civilo-militaires, la gestion globale de la prévention des crises que vers la conduite des opérations militaires.
• Mais nous avons déjà des systèmes de commandement civil et militaire
Actuellement, nous avons deux chaînes de commandement, une civile et une militaire, avec un minimum de passerelles pour avoir une synergie. Mais il n’y a pas de vraie intégration, c’est plutôt un soutien réciproque. Et la coopération civilo-militaire ne arrête pas à la police et les douanes d’un côté, et aux militaires de l’autre, il faut aussi les gens qui s’occupent de développement, de finances, etc. Il nous manque encore des échelons. C’est une idée – même pas un concept- pas un QG permanent, Il faut arriver un moyen de penser ensemble, planifier ensemble, conduire ensemble. Tout est à inventer. Il n’y a pas de modèle préétabli. C’est une nouvelle phase de réflexion à entamer.
• Allez, la question à la mode, qui voyez-vous comme Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune ? L’expérience militaire compte-t-elle ?
C’est une question exclusivement politique. Et les militaires n’ont pas à donner leur avis. Mais, bien sûr, les militaires préfèrent quelqu'un qui ait la compréhension du phénomène militaire.
• Comme avec Javier Solana (l’actuel Haut représentant) ?
Oui ça été très facile. Solana est quelqu'un de très ouvert, qui recherche les avis.
• Et après le Comité militaire ? Où vous voyez-vous, conseiller du commissaire ?
Ah non ! Je n’aime pas les structures parallèles. Je pense que les institutions sont un garde-fou. C’est le président du comité militaire qui doit être le conseiller militaire du Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune et personne d’autre. Il faut que les institutions fonctionnent correctement. … Je vais aller cultiver mon jardin.
(propos recueillis par Nicolas Gros-Verheyde, en face à face, avant le référendum irlandais)
Pierre Lellouche, le secrétaire d'Etat (français) aux Affaires européennes était, ce lundi, en visite de travail. Une visite consacrée à la PESD et à d'autres sujets. Il a ainsi visité l'Etat-Major de l'UE, le Conseil de l'Union européenne et l'Agence européenne de Défense. Le Ministre qui ne cache pas son intérêt pour la politique de défense - il compte au sein de son cabinet un conseiller spécialement dédié à la politique de défense, un militaire, ce qui en soit est une première pour un portefeuille aux affaires européennes - s'est confié à quelques journalistes dans les locaux de la Représentation permanente française (photo © NGV).
Un beau potentiel pour l'UE... « Notre capacité est toute petite. Nous avons 200 militaires sur 30000 fonctionnaires de l’Ue pour 500 millions d’habitants. Mais nous avons là un petit outil de planification mais qui marche : nous avons pu déployer en 72 heures une mission en Géorgie, et mener une mission anti-piraterie. Il y a un vrai potentiel. Ce qui manque c’est sans doute un peu d’impulsion politique. Et je vais y travailler. »
... mais l'Otan doit se réformer en profondeur. Pierre Lellouche n'a pas caché son agacement en revanche sur l'OTAN. « Je souhaite à Rasmussen (le patron de l'Otan) de réformer en profondeur (son organisation). » Mais le Ministre ne s'arrête pas là et charge, sabre au clair : « J’ai vu le Shape. Je lui ai dit combien j’étais ému des 2700 membres de l’Etat major qui sont présents à Kaboul, ce sont là presque (trois) bataillons. Il y a beaucoup, beaucoup vraiment à réformer sur l’allure bureaucratique (de l'organisation). Avoir (15.000) personnes à l’OTAN, c’est beaucoup. On ne fait pas la guerre à Bruxelles. On pousse beaucoup de papier. »
Les battlegroups: "un concept c'est bien, les utiliser c'est mieux" dit la présidence de l'ue
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militaires et civiles de l'UE (Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Géorgie, Moldavie / Ukraine, Afghanistan, Irak, Palestine, Congo RDC, Guinée-Bissau, Haïti, Océan indien, Somalie,
Tchad).
L'éditeur : Nicolas Gros-Verheyde. Journaliste, correspondant "Affaires européennes" du premier quotidien régional français Ouest-France après avoir été celui de France-Soir. Spécialiste "défense-sécurité". Quelques détails bios et sources.