Dans le futur service diplomatique de l'UE, tel que j'ai pu l'appréhender, on devrait retrouver les noms suivants. La procédure de recrutement vient d'être lancée pour le Top Ten" en attendant le lancement d'une autre procédure pour les 80 autres responsables.
I. Un quatuor de direction équilibré
Le quatuor de direction tel que pressenti (cela peut encore changer) réalise un certain syncrétisme à la fois géographique, institutionnelle et politique. Chacun des pressentis a un parcours à la fois diplomatique et politique (en cabinet ou au niveau ministériel), au niveau des Etats membres mais aussi dans, ou auprès, des institutions européennes. On ne peut que constater que si ces noms sont confirmés, le service diplomatique pourrait démarrer sous de bons auspices, avec des personnalités à la fois confirmées, compétentes, et très diverses. En revanche, coté géographique, en l'état des noms connus, on peut remarquer que certaines nationalités (Espagnol, Italien, Belge...) ne sont pas encore bien représentées.
- Secrétaire général exécutif : Pierre Vimont (Français). « Pour ce poste, il faut quelqu'un d'une certaine stature, il n'y a pas 10.000 personnes à avoir ce profil et être disponible » précise un proche de Cathy Ashton. Vimont a effectivement la carrure : un diplomate hors pair, fin connaisseur des arcanes de l'Union européenne. Il est aujourd'hui ambassadeur de France à Washington (depuis juillet 2007) après été représentant permanent à Bruxelles et occupé plusieurs postes de directeurs de cabinets ministériels.
Né le 15 juin 1949, après l'ENA, il opte pour la carrière diplomatique. L'ambassade de France à Londres est son premier poste d'abord comme deuxième secrétaire puis premier secrétaire (1977-1981). A la nomination de la gauche au pouvoir, il occupe le poste stratégique de l'information et de la presse au Quai d'Orsay (1981-1985, Claude Cheysson est alors ministre des Affaires étrangères) puis passe à l'Institut pour les études des problèmes de sécurité est-ouest à New-York.
En 1986, il effectue son premier séjour à la Représentation permanente à Bruxelles (jusqu'en 1990). Il est ensuite directeur du cabinet du ministre délégué aux Affaires européennes (1990-1993 avec Elisabeth Guigou) avant d'occuper plusieurs postes au Quai d'Orsay (directeur du développement et de la coopération scientifique, technique et éducative, directeur général adjoint des relations culturelles, scientifiques et techniques, directeur de la coopération européenne). En 1999, il revient à Bruxelles comme ambassadeur - représentant permanent, avant de passer en 2002 directeur de cabinet du ministre des Affaires étrangères sous le gouvernement De Villepin (d'abord Michel Barnier puis Philippe Douste-Blazy).
- Secrétaire général adjoint : Helga Schmid (Allemande), actuellement chef de la "Policy Unit" du Conseil.
Né le 8 décembre 1960, diplômée de l'université de Münich et de Paris-Sorbonne, en langues anglaise et romane, littérature, histoire et politique, elle commence sa carrière diplomatique en 1988, notamment comme chargée de la presse et de la communication à l'ambassade d'Allemagne à Washington (1991-1994).
Elle travaille ensuite comme, conseiller politique, aux cabinets des ministres des affaires étrangères Klaus Kinkel (1994-1998) et de Joshka Fischer (1998-2000), dont elle sera ensuite un des responsables du cabinet, d'abord comme chef adjoint (de 2000 à 2003) puis comme chef (de 2003 à fin 2005). En 2006, elle rejoint Bruxelles et le cabinet de Javier Solana, pour assumer la direction de l'unité d'alerte rapide et de planification politique (Policy Unit).
- Secrétaire général adjoint : Mikołaj Dowgielewicz (Polonais). Actuellement secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, en charge de la préparation de la présidence polonaise, c'est le plus jeune du quatuor. Mais sa carrière a été rapide.
Né en 1972, il étude à l'université des sciences sociales de Varsovie, à l'université de Hull (Royaume-Uni) puis au collège d'Europe de Natolin. Entré au cabinet politique du ministre polonais des Affaires étrangères (1998-2000), puis conseiller du président de la commission des lois européennes de la Diète polonaise (2000-2001) et chef du service académique du Collège d'Europe (2002-2003), il rejoint ensuite Bruxelles d'abord comme conseiller presse du président du Parlement européen, le libéral Pat Cox (2003-2004), puis comme porte-parole de la vice-présidente de la Commission européenne en charge de la Communication, la Suédoise (sociale-démocrate) Margot Wallström (2004-2007), avant d'intégrer son cabinet (2007). Il retourne à Varsovie avec la victoire de la plate-forme civique et devient de 2007 à 2009, secrétaire puis Secrétaire d'Etat du comité à
l'intégration européenne.
- Chief Operating Officer : Peter O'Sullivan (Irlandais), acteur directeur général de la DG Commerce extérieur
Né en 1953, diplômé du Trinity College de Dublin et du collège d'Europe de Bruges (1975 et 1976), ce diplomate irlandais est très vite venu à la Commission européenne, à la DG Relations extérieures. Il est en poste à la délégation de Tokyo avant de retourner à Bruxelles, dans les cabinets des commissaires irlandais Peter Sutherland (Affaires sociales et relations avec le Parlement, 1985-1989), à la DG Emploi, puis comme chef de cabinet du commissaire Padraig Flynn (Emploi & Affaires Sociales, 1993-1996). En juin 1999, il passe au cabinet de Prodi, chargé également de l'Emploi et des Affaires sociales, puis devient Secrétaire général de la Commission européenne (juin 2000-2005). Il prend alors la tête de la DG Trade (Commerce extérieur) d'abord auprès du commissaire britannique Peter Mandelson puis de la Baroness Cathy Ashton.
II. Les autres directeurs du service diplomatique
Parmi les autres postes, plusieurs noms sont souvent cités
- Parmi la demi-douzaine de "managing directors", on pourrait retrouver Christian Leffler (Suédois), Hughes Mingarelli (Français) ou Stefano Sannino (Italien).
- Le département Stratégie et planning politique pourrait être pourvu par Robert Cooper (Britannique), ancien directeur général de la DG E (affaires extérieures) du Conseil.
A cela il faut ajouter le cabinet de la Haute représentante dirigée par James Morrisson (Britannique).
Lire : Le "boys & girls band" de Lady Ashton (janvier 2010)
III. Les structures civilo-militaires rattachées à la Haute représentante
Ces structures obéissent souvent à un autre tempo que les nominations purement civiles.
- Conseiller militaire de la HR : voir ci-dessous, le président du Comité militaire (Suédois)
- État-Major militaire de l’UE (EUMS) : Général Ton Van Osch (Néerlandais). Celui-ci vient de prendre ses fonctions en mai dernier en remplacement du général britannique Leakey.
Lire : Le nouveau chef d'Etat-Major de l'UE vient au secours de Lady Ashton.
Adjoint : Contre-Amiral Fernando Lista (Espagnol)
- Direction civilo-militaire (CMPD) : Claude-France Arnould (Français).
Une des meilleures connaisseuses de l'Europe de la Défense. Nommée en novembre 2009, à la tête de cette direction qui regroupe les planificateurs civils et militaires qui, dans l'ombre, préparent et mettent en oeuvre concrètement l'Europe de la Défense, elle pourrait être victime du "trop grand nombre" de Français décrit par certains commentateurs. Ce serait une erreur à mon sens. Car elle est un des rouages indispensables à la PeSDC. Et (accessoirement) une des seules femmes "en tête" avec Helga Schmid. Lire : Claude-France Arnould prend la tête de la nouvelle direction
- État-Major Civil (CPCC) : Kees Klompenhouwer (Néerlandais). Il a pris ses fonctions en mai 2008, de responsable de la "Civilian Planning and Conduct Capability". Lire : Le premier chef de la chaîne de commandement civil au rapport
- Centre de renseignement (SitCen) : Patrice Bergamini (Français). Il vient d'être nommé comme directeur "faisant fonction" à la place du Britannique William Shapcott parti officier comme Directeur général du Personnel au Conseil de l'Union européenne. Lire : L'OSS Bergamini prend la tête des "Renseignements" européens
IV. Comités et groupes de travail
Non-membres du service diplomatique en tant que tels, même s'ils figurent sur le nouvel organigramme, ces comités et groupes de travail assurent la représentation des Etats membres (un représentant par Etat) et la préparation concrète des décisions de l'Union européenne au sein du Conseil. Ils sont un rouage essentiel de la politique étrangère, et plus encore de la politique de défense, celles-ci restant essentiellement de la compétence des Etats membres, même si on assiste, dans l'esprit et dans le texte, à une convergence "douce" (1) sous l'impulsion de la Haute représentante et du Traité de Lisbonne. La présidence de tous ces comités sera, à terme, assurée par une personnalité fixe, désignée par la Haute représentante, et non plus par la présidence tournante de l'UE (comme pour les autres comités et groupes de travail du Conseil). Cette présidence fixe pourra cependant être soit un membre du service diplomatique, soit une autre personnalité (des Etats membres) désignée par la Haute représentante.
- Comité militaire de l'UE (EUMC) : Général Hakan Syren (Suèdois). Présidence fixe dès la création de ce comité. Elu par ses pairs, pour trois ans,
il a pris ses fonctions en novembre 2009 et son mandat court donc jusqu'à novembre 2012. Il exerce également la fonction de conseiller militaire du Haut représentant
Lire : Un général suédois futur chef du comité militaire de l'UE
- Comité politique et de sécurité (COPS) : celui-ci est actuellement présidé, au nom du HR par l'ambassadeur belge au COPS. Mais pour assurer la présidence fixe, c'est Olof Skoog (Suédois), actuel ambassadeur au COPS, qui semble aujourd'hui détenir la "pole position". (NB : La France avait une candidate, Christine Roger).
- Comités PESD et PESC (PMG, CivCOM, COARM... (2)) : la présidence devait être fixe à partir du 1er juillet. Mais, pour l'instant, elle reste confiée au représentant de la présidence tournante (Belgique) qui exerce la présidence au nom - et sous les instructions - de la Haute représentante.
- Comités géographiques (3) : présidence fixe à partir du 1er janvier 2011, désignée par la Haute représentante (sans doute au sein de son administration).
Lire également dans la série "Avec qui gouverne Ashton" :
1. Le "boys & girls band" de Lady Ashton. Son cabinet (janvier 2010)
2. Le service d'action extérieure (mars 2010)
3. Les chefs de mission de l'UE (avril 2010)
(1) Terme utilisé en référence à l'Union économique et monétaire qui établit une convergence "dure" (à l'aide d'objectifs chiffrés de structures communautaires et d'instruments contraigants, en privant les Etats de battre monnaie).
(2) Groupe politico militaire (PMG), de gestion des crises civiles (CIVCOM), la politique des armes (COARM) — ainsi que certains comités horizontaux de la politique étrangère (PESC) : le Nicolaidais Group (qui vient en soutien de la PESC, COHOM (droits de l'homme), le COSCE (Osce et Conseil de l'Europe), le CONUN (Nations-Unies, le protocole et affaires administratives de la PESC (COADM), le CODUN (contrôle des armes et désarmement), le CONOP (non-prolifération), le COARM (export des armes conventionnelles).
(3) Comités géographiques : Mashreq/Maghreb (COMAG/Mama), Asie centrale et Europe de l'est (COEST), Balkans (COWEB), Moyen-Orient (COMEM'MOG), Asie Océanie (COASI), Amérique latine (COLAT), Relations transatlantiques (COTRA), Afrique (COATR).