Dénommé « A step change in external policy for The Union : delivering on the promise of the Lisbon Treaty », d'une bonne dizaine de pages, il trace les grands principes de ce que sera la future décision du service extérieur. Il précise également le périmètre du nouveau service. Il a donné lieu à une première discussion au sein des ambassadeurs des 27, mercredi. Les ministres des Affaires étrangères, réunis vendredi et samedi à Cordoba (Espagne), en réunion informelle (gymnich), se pencheront à leur tour sur la question.
J'ai pu lire, attentivement, ce document. Voici quelques éléments et quelques commentaires.
Le service extérieur aura pour première fonction d'assister le Haut représentant dans l'exéution du mandat. Il assistera également le président du Conseil européen, le président et les membres de la Commission dans leurs fonctions ("coherent policy advice and briefing").
Le service extérieur sera placé sous l'autorité du Haut représentant. Les délégations de l'Union en feront partie. Le Haut représentant sera responsable devant le Conseil et le Parlement européen de le SEAE comme un "service autonome, séparé des autres institutions, et doté de son propre budget". Cela peut paraître évident mais c'est une revendication de plusieurs Etats membres (notamment la France et le Royaume-Uni) qui ne veulent pas voir glisser ce service vers la Commission européenne. Ils veulent garder à la politique étrangère son coté "intergouvernemental.
L'égalité du recrutement, dans ses trois sources (Commission, Conseil, Etats membres) est rappelé à plusieurs reprises. La décision soulignera que « aucune distinction ne doit être faite entre le personnel des services diplomatiques nationaux et les agents venant du Conseil ou de la Commission pour la répartition des tâches et les conditions de travail ».
Le SEAE aura un rôle important de programmation des instruments financiers qui restent un des instruments privilégiés d'influence de l'UE. Pour certains instruments, comme l'ENPI (instrument de politique de voisinage et de partenariat) et l'IPA (Instrument d'assistance à la pré-adhésion), ils sont « clairement hors du centre de gravité du Service ».
En revanche, un débat va avoir lieu autour de la maîtrise du Fonds de développement (FED) et de l'Instrument de coopération et de développement (DCI). Le document propose trois options :
- pleine compétence du Service aux trois étapes clés de la programmation (allocations par pays, papiers stratégiques, programmes indicatifs régional et national) ;
- compétence de la Commission à la 3e phase et suivantes de programmation ;
- partage géographique : compétence de la Commission pour le FED (pays ACP), et compétence du Service pour les pays DCI (Asie et Amérique latine).
Dans tous les cas la mise en oeuvre de ces mesures sera faite avec la Commission (actuellement AidCo).
- NB : pour la France (comme pour le Royaume-Uni) la troisième solution est exclue. Il ne peut être question comme l'explique un diplomate « qu'un fonds comme le FED qui a des ressources nationales.
Le budget du SEAE sera autonome, le règlement financier devra être amendé. Mais le principe est que le nouveau service devra être conçu selon le principe de la neutralité budgétaire. « Le budget devra être rationalisé autant que possible dans les limites du traité ». Il couvrara le dépenses administratives relatives au personnel du SEAE, à Bruxelles comme dans les délégations.
Le haut représentant sera non seulement l'AIPN (autorité investie du pouvoir de nomination) mais aussi l'autorité de sécurité du SEAE. Celui-ci établira son propre règlement de sécurité.
- NB : la problématique de la sécurité va surgir à mon sens très rapidement. A partir du moment, où le SEAE va s'établir et les délégations de la CE devenir des "ambassades de l'UE", des problèmes de sécurité vont rapidement se poser dans de nombreux pays. Manifestations devant le siège, demandes d'asile..., la transformation en cours est plus profonde qu'il n'y paraît. Et l'UE apparaîtra désormais en première ligne, là où auparavant seuls les Etats membres étaient sur le devant de la scène.
- NB : Questions qui ne sont pas mineures. En effet, aujourd'hui, seuls le chef de délégation de la CE, les représentants spéciaux de l'UE et certains agents sont inclus dans le périmètre de protection diplomatique. Il faut éténdre cette protection à tous les agents des ambassades de l'UE.
1. Organisation par bureaux géographiques. Le SEAE sera constitué essentiellement autour de bureaux géographiques ou thématiques. Ils auront pour tâche de gérer des relations politiques et un rôle de coordination pour les relations avec tous les pays et régions du monde tout autant que les solutions multilatérales. Il y a un accord général que ces bureaux ne devront pas être dupliqués, ni au secrétariat du Conseil, ni à la Commission. Cela suppose que ces bureaux devront prendre en compte certaines responsabilités (commerce, développement, aide humanitaire, élargissement et négociation de pré-adhésion) qui sont du ressort de DG de la Commission.
2. Les structures civilo-militaires de crise
Etat-major militaire, Direction civile de planification et de gestion de crises (CMPD), Etat major civil (CPCC) seront partie intégrante du SEAE. Tout comme le Centre de situation (SITCEN). Le SITCEN continuera, cependant, à fournir ses services aux autres instances, notamment le Conseil europén, les présidents des formations compétentes du Conseil (Justice et Intérieur pour l'aspect terrorisme notamment), le préisndet de la Commission et les commissaires.
Dans les procédures et conditions d'embauche, est-il mentionné explicitement, il faudra tenir compte de la « nature spécifique » de certaines fonctions, pour le personnel militaire comme pour celui du personnel spécialisé du SITCEN.
- NB : la France considère que la chaîne de commandement et que les spécificités soient strictement respectés. Et que le rattachement direct au Haut représentant soit respecté. Il y a clairement une crainte d'un glissement des structures civilo-militaires vers la Commission.
- NB : c'est assez logique car ce n'est pas la décision sur le SEAE qui fixe le fonctionnement de ces agences (le collège n'en est pas une, selon moi). Mais des décisions spécifiques, qui doivent donc être modifiées pour tenir compte la nouvelle donne du Traité (Haut représentant, SEAE, ...).
3. Des services de soutien
Le SEAE sera doté des fonctions essentielles de gestion, ce sous la responsabilité d'un Secrétaire général. « L'objectif est de créer un service unique avec un budget unique et une politique unique de ressources humaines, avec des services de soutien et de fonctionnement, sous l'autorité du Haut représentant ». Au besoin, la décision définira dans quelles conditions les services de soutien peuvent être fournis par d'autres institutions à travers des "Service Level Agreements".
- NB : Il ne peut cependant être question pour le SEAE de déléguer à la Commission les fonctions de gestion du personnel ou budgétaires. Cette autonomie totale vis-à-vis de la Commission est d'ailleurs une revendication des grands Etats membres (France & Royaume-Uni).
- Sous l'autorité du secrétaire général seront ainsi regroupées les actuelles Directions I, K et L. (voir l'organigramme actuel)
4. Les délégations de l'UE.
En complément du personnel du SEAE, les délégations de l'UE devront être composées de personnels de la Commission et du Conseil, autant que nécessaire, notamment pour assurer une couverture spécialisée dans certains domaines de politique sectorielle et pour assurer l'application des instruments financiers.
L'autorité hiérarchique sera exercée par le chef de délégation pour "tous" les membres du personnel de la délégation. Et il sera responsable de la genstion, coordination et supervision dans tous les domaines de travail de la Délégation. Il sera responsable de l'exécution de toutes les instructions données tant par le HR que par les présidents du Conseil européen et les membres de la Commission.
- NB : Autrement dit, le chef de délégation reproduira le "double chapeau" qui caractérise la fonction de Haut représentant, à cheval entre Commission et Conseil. Ce devra être un "politique" et un "gestionnaire". Il supervisera tant le travail diplomatique proprement dit que la gestion des instruments financiers du SEAE, ... comme ceux de la Commission.
- NB : on connaît la sensibilité de ce point. Autant dire que tous les mots, les virgules de la future décision seront appréciés et soupesés avec soin.
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