Plusieurs soldats polonais en poste en Afghanistan auraient tué, de façon plus ou moins délibérée, plusieurs civils et donc commis un "crime de guerre", à Nangar Khel (dans le sud-est du pays), en août 2007. C'est du moins la conviction du juge d'instruction polonais qui a terminé son travail. Et on commence à en savoir plus grâce à une
enquête complète réalisée par Gazeta Wyborcza.
En novembre 2007, sept soldats de retour de mission en Afghanistan (dans le cadre de l'ISAF-FIAS) avaient en effet été arrêtés en Pologne, et accusés d’avoir tué huit civils afghans, dont des femmes et des enfants (dépêche
AFP, voir aussi l'article du
New-York Times). Si certains avaient été libérés rapidement, d’autres furent gardés « au frais » plus longtemps ; quatre d’entre eux n'ont ainsi été remis en liberté le 10 juin. Le magistrat en charge de l’affaire, Karol Frankowski a terminé son travail, début juillet 2008, concluant à des crimes de guerre pour six des prévenus. Démontant du coup la première version officielle qui parlait de soldats pris dans une embuscade, par des Talibans, et réagissant au feu. En fait de feu, semble-t-il, ce sont plutôt certains soldats polonais qui, quelques heures après, sont venus arroser de tirs le village, où étaient présents des civils.
Les journalistes de Gazeta Wyborcza ont pu prendre connaissance de l'
acte d'accusation. La reconstitution de la trame des évènements qu'ils viennent de publier, à l'aide de certains
témoignages, est éclairante de la confusion qui a régné ce jour-là sur certaines valeurs humaines.
Tout s'est déroulé le 16 août 2007, près du village de Nangar Khel. Deux véhicules d'un convoi polono-américain sont immobilisés des mines. Le chef du convoi demande alors à la base polonaise de Wazi-Kwa des renforts (dépanneuses) pour enlever les véhicules endommagés. Arrivent sur place alors également deux unités de commandos de l'
unité "Delta" de Bielsko-Biala, portant à l'épaule l'écusson d'une tête de mort, avec épées croisées sur fond noir. Une de ces unités commence à tirer sur le centre du village, expliquant avoir reçu l'ordre de tirer de sa base. Au grand dam du chef du convoi, Maciej N., qui ne semble pas au courant de cet ordre, de même que le commandant de la deuxième unité. Le commandant de la base, contacté, nie avoir donné un tel ordre. Même ignorance quand N. les contacte. Celui-ci dépêche alors un de ses soldats aux membres du commando leur demandant de cesser les tirs et les informant qu'il y a des femmes et des enfants au centre du village. Sans résultat. Il faudra l'intervention d'un officier que les tirs cesseront.
Aujourd'hui, la "Procurature" - interrogé par les journalistes de Gazeta - ne fait "aucun commentaire"... Mais, dans un reportage télévisé, diffusé en juillet sur
Polsat, on voit bien que le représentant de la Procurature précisait qu'il n'existait aucune menace pour les soldats, pouvant légitimer des tirs. Quant à la question de l'ordre, et la nature des tirs, les témoignages des soldats impliqués diffèrent : certains estiment qu'il y a eu un ordre, d'autres qu'ils l'ont exécuté mais en tirant en l'air, un des officiers mentionne que c'est une erreur du "contre-espionnage" polonais qui les a induits en erreur et invoque une enquête des Américains qui les a blanchis de toute responsabilité (une "erreur"). Des experts militaires avaient sérieusement évoqué, un moment, des munitions perimées qui auraient causé les dégâts (!). Cela ressemble un peu à un sauve-qui-peut...
D'autant qu'une deuxième affaire s'est greffée sur la première, comme le révèle un autre
article paru aussi dans Gazeta, où on verrait une photo d'un des militaires posant au milieu de morts talibans (procédé un peu "naturel" chez les combattants de l'extrême...) - en fait, il semble que ce soient les Américains qui aient liquidé des Talibans puis envoyé les Polonais pour "nettoyer" le secteur .
Bref, ce qui semble sûr c'est qu'à Nangar Khel, un 16 août 2007, l'engagement des troupes de l'Otan a été plutôt au-delà des règles ordinaires d'engagement militaire de forces multinationales... Si le cas ne semble plus isolé, peu-à-peu l'intervention "civilisatrice" en Afghanistan semble prendre un tour inquiétant, comme l'a été l'intervention soviétique dans le même pays de 1979-1989, où les témoignages de soldats de retour au pays étaient édifiants (comme le raconte le livre "
Cercueils de Zinc")...
Pour en
savoir plus sur l'Afghanistan, le dossier du "Devoir" le quotidien québécois.