(Analyse) Le blocus de Gaza, ainsi que l'assaut israélien sur les bateaux "humanitaires" qui cherchent à accoster, posent quelques questions au plan légal. Des experts juridiques de l'UE planchent actuellement sur la question. Et un rapport devrait être présenté la semaine prochaine aux ambassadeurs du COPS. D'ores-et-déjà, on peut dire que ce contexte est assez précisément encadré, d'une part par le droit de la mer, d'autre part, par les résolutions de l'ONU.
Voici quelques éléments (non exhaustifs).
1° Le droit de la mer. C'est normalement la convention de Montego Bay qui fixe les conditions d'intervention en mer, notamment en haute mer. A l'article 110, sous le titre "droit de visite", il est ainsi précisé :
« 1. Sauf dans les cas où l'intervention procède de pouvoirs conférés par traité, un navire de guerre qui croise en haute mer un navire étranger, autre qu'un navire jouissant de l'immunité prévue aux articles 95 et 96, ne peut l'arraisonner que s'il a de sérieuses raisons de soupçonner que ce navire:
a) se livre à la piraterie;
b) se livre au transport d'esclaves;
c) sert à des émissions non autorisées, l'Etat du pavillon du navire de guerre ayant juridiction en vertu de l'article 109;
d) est sans nationalité; ou
e) a en réalité la même nationalité que le navire de guerre, bien qu'il batte pavillon étranger ou refuse d'arborer son pavillon.
2. Dans les cas visés au paragraphe 1, le navire de guerre peut procéder à la vérification des titres autorisant le port du pavillon. A cette fin, il peut dépêcher une embarcation, sous le commandement d'un officier, auprès du navire suspect. Si, après vérification des documents, les soupçons subsistent, il peut poursuivre l'examen à bord du navire, en agissant avec tous les égards possibles.
3. Si les soupçons se révèlent dénués de fondement, le navire arraisonné est indemnisé de toute perte ou de tout dommage éventuel, à condition qu'il n'ait commis aucun acte le rendant suspect.
Commentaire : Un rapide examen permet ainsi de vérifier que les navires interceptés récemment par les forces israéliennes ne remplissaient aucune des conditions visées pour permettre une interception sur cette base.
Pour rappel, cette même convention prévoit pour les navires de guerre une « immunité complète de juridiction vis-à-vis de tout Etat autre que l’Etat du pavillon ».
2° Les résolutions du Conseil de sécurité. Dans sa résolution 1860 adoptée en janvier 2009, en plein bombardement sur Gaza, le Conseil de sécurité de l'ONU a appelé tous ses Etats membres à « redoubler d’efforts pour fournir des arrangements et garanties à Gaza afin de maintenir un cessez-le-feu et un calme durables, et notamment à prévenir le trafic d’armes et de munitions ». En revanche, l'ONU a appelé, à plusieurs reprises, au passage de l'aide humanitaire vers Gaza.
Commentaire : ceci pourrait donner une base à Israël pour le contrôle des navires qui arrivent à Gaza (même s'il n'y a pas d'armes à bord, le simple soupçon oblige, obligation de moyens, à vérifier cela). Mais aussi à toute la communauté internationale. Le "redoublement d'efforts" n'a pas été très soutenu très longtemps.
3° Les résolutions de l'Assemblée générale de l'ONU. Dans sa résolution 64/125 du 21 janvier 2010 (à télécharger), l'assemblée générale, a a appelé à respecter l’Accord de 2005 sur le passage de Rafah, « afin d’assurer la liberté de circulation de la population civile palestinienne ainsi que des importations et des exportations, tant à l’intérieur qu’à destination et en provenance de la bande de Gaza ». Tout comme elle appelle à « apporter aussi rapidement que possible au peuple palestinien une assistance économique et une aide humanitaire d’urgence, en particulier dans la bande de Gaza, en vue de compenser les effets de la crise actuelle ».
Commentaire : ceci contredit le blocus de fait mis en place par Israël et Egypte et donne une base aux ONGs qui tentent aujourd'hui de le forcer. En fait, si on se livre à une rapide analyse, les bateaux israéliens pourraient avoir le droit de contrôler les navires qui passent au large - pour vérifier qu'il n'y a pas d'armes à bord en contrebande (précisons que les conventions internationales n'interdisent nullement à un navire marchand de posséder certaines armes) mais ils devraient laisser les navires arriver à Gaza.
(Mise à jour) Bien entendu, les forces israéliennes n'ont pas la même approche et estiment ce blocus licite. Pour lire leur argumentaire.
(crédit photo : IDF - bateau de Free Gaza ancré à Ashdod avec les vedettes israéliennes)