Le risque : une sujétion politique, militaire, industrielle aux Etats-Unis...
Je ne m'étendrais pas sur la stratégie suivie en Afghanistan par les Américains et l'OTAN. Même si d'excellents analystes m'assurent que c'est une excellente stratégie, et la "seule", je persiste à penser que c'est une erreur... (une erreur qui risque de nous coûter cher dans l'avenir). Je voudrais me concentrer sur le risque que présente cette stratégie pour les armées européennes, et leur implication dans diverses autres missions de paix (interposition, stabilisation...). On peut se demander si la stratégie "d'assèchement" des capacités européennes n'a pas aussi d'autres conséquences. Les Américains sont en passe d'emmener les Européens dans une course à l'engagement comme ils avaient mené les Russes, dans les années 1980, dans une course aux armements. Dans ce cas, l'objectif était clair : conduire les Russes à changer leur politique de défense et leur politique tout court. Dans la situation actuelle, même si ce n'est pas l'objectif, les effets conduisent à une situation similaire. Car l'engagement renforcé en Afghanistan entraîne pour les Européens cinq conséquences bien précises à mon sens.
Certaines peuvent être considérées comme positives : 1° les obliger à une réforme drastique des armées (2 millions d'hommes disponibles et seulement quelques dizaines de milliers projetés à l'étranger) ; 2° les conduire à prendre en charge une partie de leur sécurité (sur le continent européen). D'autres sont plus négatives — 3° les englober dans la politique (et la stratégie) américaine dans le monde ; 4° limiter leurs ambitions et leur capacité d'agir de manière "autonome" dans des actions de maintien de la paix ou de stabilisation ailleurs dans le monde ; 5° les inciter à renouveler, de façon accélérée, l'équipement de leur armée, ce qui revient - de fait - à privilégier les équipements immédiatement disponibles sur le marché et de préférence compatibles avec ceux utilisés par les Alliés en Irak. Donc plutôt les équipements américains. Ceux-ci sont, en effet, en position de force pour deux raisons : a) les USA étant la force "dominante" en Afghanistan, il est plus logique de s'équiper des mêmes matériels ou au moins de matériels standardisées. b) les matériels américains sont souvent les seuls à proposer un matériel opérationnel (certains matériels "européens" étant actuellement à l'état de projet, par exemple pour l'avion tactique le futur A400M contre le projet de Lockheed C130J).
Dans tous les cas, il y a inflexion nette de la politique de sécurité européenne par l'effet d'une intervention extérieure. Ce risque d'atteinte à notre autonomie européenne me paraît bien plus grave et immédiat que celui, évoqué par certains responsables politiques français respectables (Royal, Bayrou, Juppé, De Villepin), du danger de perte d'indépendance par la réintégration par la France des commandements de l'OTAN (article à suivre).
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